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  • Bien plus que la somme de la FMC et du DPC réunis

  • Dans l’article précédent, nous avons brièvement retracé l’histoire du DPC. Nous avons situé l’émergence du terme et rappelé les principales étapes de sa consécration officielle. Nous avons également mis le DPC en rapport avec les deux dispositifs qu’il intègre et qu’il supplante : la FMC et l’EPP. Reste à définir plus précisément en quoi ce nouveau tout est plus que la somme de ses parties. Le DPC se démarque de ses prédécesseurs essentiellement à deux titres. On pourrait dire qu’il est à la fois plus spécifique et plus systémique. Plus spécifique dans la mesure où il permet de relever puis de relayer le plus scrupuleusement et concrètement possible une question ou un problème tels que ceux-ci se posent au médecin dans sa pratique propre. En effet, la pierre angulaire du DPC est l’auto-observation du pro­fes­sionnel de santé et l’archivage des difficultés qu’il rencontre concomitamment à leur émergence. Mais plus systémique aussi, car reliant des instances, des moments et des acteurs du système de soins entre lesquels la FMC et l’EPP n’établissaient que des liaisons partielles et intermittentes. La loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST), qui a instauré l’obligation du DPC en 2009, en atteste à sa manière en énumérant comme suit les objectifs du DPC : « L’évaluation des pratiques professionnelles, le perfectionnement des connais­sances, l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins ainsi que la prise en compte des priorités de santé publique et de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé » (article L. 4133-1).

    En sus de « professionnel » et de « personnel », le « P » de DPC prend donc aussi une connotation « pacificatrice ». Il a vocation à désarmer ces belligérants ou à renouer le dialogue entre ces malentendants de toujours que sont le local et le global. Cette pacification est une condition indispensable pour concilier la centralité des soins avec la gestion combien délicate et difficile de leur volume et de leur coût. En effet, la chose médicale n’est pas réductible à l’espace temps de la consultation. En amont comme en aval de ce face-à-face entre patient et médecin, interviennent la formation du médecin d’une part, la politique de santé d’autre part, l’une et l’autre comportant une dimension institutionnelle et sociétale qui déborde largement le plan des interactions entre individus.

    Le moment réflexif n’est que le premier temps et le simple préalable du DPC

    Nous avons rappelé que le DPC se définit comme une démarche réflexive. Encore faut-il s’entendre sur les mots. Dans sa forme la plus primitive, la réflexivité n’est en effet rien d’autre qu’une sorte de papier pelure qui délivre un duplicata de l’expérience immédiate. Temps 1 : vous rencontrez un problème ; temps 2 : vous prenez conscience et acquérez la conviction que ce que vous avez rencontré au temps précédent est effectivement un problème. La boucle réflexive est bien bouclée. Rien pourtant n’est rentré dans l’ordre. C’est que la réflexivité n’est ni le but, ni même, en ce sens étroit, la droite méthode pour atteindre le but. Le moment réflexif n’est que cette alarme silencieuse qui assure la détection du problème. Il n’est que le premier temps et en vérité le simple préalable du DPC, sa base au double sens de basique et basal, rudiment et fondement. En d’autres termes, si la réflexivité permet d’entrer dans le problème, la suite du DPC, que l’on qualifierait volontiers de « réfléchissante », est en quelque sorte le fil qui permet d’en sortir.

    Quels que soient les méthodes, démarches et modes d’organisation professionnelle envisagés, on peut distinguer dans le DPC trois étapes principales : l’Observation, la Comparaison et le Suivi.

    1. Observation signifie observation des pratiques « réelles ». La restitution de ce réel suppose des instruments de capture plus directs et plus précis que la consignation d’impressions a posteriori. Audit, questions posées par des stagiaires, analyse de dossiers médicaux.

    2. Comparaison désigne la confrontation à des références scientifiques actualisées.

    3. Suivi est un terme générique englobant toutes formes de construction d’actions en vue de corriger et d’améliorer ses comportements et ses pratiques.

    Si le temps 1 consiste pour l’essentiel en un regard individuel et personnel sur sa propre pratique, le temps 2, celui de la comparaison, implique déjà une sortie de soi, non nécessairement sous la forme de l’interlocution vive, mais comme confrontation à la communauté scientifique productrice de savoir. Le temps 3, décisif, amorce la transition de la réflexion à l’action. Il signe le retour pour ainsi dire « en force » à la pratique, après avoir puisé dans la théorie de quoi surmonter les défaillances qu’elle avait révélées au temps 1. C’est également dans ce cadre qu’intervient le plus clairement la dimension collective moyennant la discussion et l’échange entre pairs. Plus qu’une boucle, le DPC est par conséquent une ronde, un cercle dont chaque praticien constitue tour à tour le centre et dont la circonférence traverse toutes les instances objectives et subjectives qui participent de l’acte médical privé ou hospitalier et plus largement du système de santé dans son ensemble. Il importe à ce stade d’introduire une nouvelle distinction. Le DPC en effet est triple, ou plus exactement, il peut être appréhendé selon trois échelles de grandeur qui correspondent plus ou moins à la distinction qu’établit la linguistique entre le phonème, le mot et la proposition. Le plus souvent, une proposition comprend plusieurs mots, chaque mot étant à son tour composé de plusieurs phonèmes. Cette structure d’emboîtement vaut également pour le DPC. L’unité minimale —le phonème des linguistes— est ce qu’on appelle une Action DPC. Le moyen terme, qu’on appelle Programme DPC, est généralement composé de plusieurs actions DPC. Enfin, au Plan DPC correspondrait cette phrase illimitée ou phrase en dévelop­pement continu : la vie professionnelle tout entière. 

    Daniel Franco

     

     

     

     

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