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  • Confronter sa pratique à une pratique «idéale»

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    « L’évaluation des pratiques professionnelles est devenue obligatoire par la loi du 13 août 2004. Le décret d’application du 14 avril 2005 en donne la définition : il s'agit de « l'analyse de la pratique professionnelle en référence à des recommandations et selon une méthode élaborée ou validée par la Haute Autorité de santé (HAS) et inclut la mise en œuvre et le suivi d'actions d’amélioration de la pratique ».

    Une évaluation formative. Cette définition de l’EPP doit lever les réticences qui existent chez beaucoup de médecins, qui ont connu pendant leurs études l’évaluation sanctionnante : si l’étudiant n’atteint pas un niveau de performance minimale (s’il n'est pas « bon »), il est sanctionné ; il doit « repasser la matière ». Pire, l’évaluation sanctionnante peut être mise au service d’un numerus clausus : ce sont alors les meilleurs, à l’intérieur d’un quota, qui peuvent poursuivre leurs études ou s’installer à l’issu d’un concours.

    La démarche d’EPP prônée en France est toute différente :

    -Il s’agit avant tout d’une autoévaluation, individuelle ou en groupe. L’évaluation est réalisée par le médecin ou le groupe de professionnels. Les résultats sont confidentiels ; le groupe est tenu à une obligation de secret ;

    -les résultats de l’évaluation ne sont pas une fin en soi : ils sont avant tout le moteur d’une démarche, celle de l’amélioration des pratiques. L’évaluation sert donc avant tout à construire cette amélioration, et peu importe les résultats de l’évaluation elle-même : c’est la démarche d’amélioration qui est essentielle.

     

    L’audit est-il la seule modalité d’analyse de la pratique ? Les méthodes pour analyser sa pratique sont multiples. L’audit médical a été la principale méthode utilisée jusqu’à aujourd’hui dans le monde médical libéral. Mais ce n’est pas la seule méthode utilisable. En effet, l’analyse de sa pratique peut être réalisée selon quatre principales modalités : par comparaison, par processus, par problème ou par indicateur.

    Par comparaison. L’audit en est la technique la plus connue. Elle consiste à comparer sa pratique à un référentiel de pratique. Les données sont recueillies dans les dossiers médicaux, sous forme d’indicateurs binaires : les données sont présentes ou absentes dans le dossier. On connaît bien la faisabilité et l’acceptabilité de l’audit, qui sont très bonnes. Cependant, l’audit ne mesure pas les résultats en termes d’indicateurs biomédicaux, mais la méthode habituellement utilisée est une évaluation intermédiaire, sur les informations présentes dans le dossier du médecin.

    La comparaison peut utiliser la technique de la revue de pertinence de soins : les soins dispensés, les stratégies de soins mises en place sont comparés à un référentiel ou à une recommandation. Il s’agit de savoir si le soin ou la stratégie est pertinent. La revue de pertinence de soins peut être réalisée individuellement. Elle peut également être le travail d’une équipe de soins ou d’un groupe homogène de médecins.

    Par processus. Il s’agit d’analyser les processus (les modalités) de soins, c’est-à-dire les stratégies mises en place, de les comparer à un référentiel et d’identifier les améliorations à mettre en œuvre. Par exemple, l’analyse des causes de chutes des personnes âgées dans un service de gériatrie a amené à mettre en place un repérage des personnes âgées à risque de chute, à changer le type de fauteuils roulants, à tenir un registre permanent des chutes et de leurs causes…

    Par problème. Nous connaissons bien la méthode par résolution de problème. Elle comporte plusieurs temps :

    > identification du problème ;

    > identification des causes ;

    > choix d’une cause parmi celles dont la correction aura le plus d'effet ;

    > identification de solutions possibles à cette cause ;

    > choix d’une solution prioritaire pour la mise en œuvre.

    Cette méthode s’adresse avant tout à la résolution de dysfonctionnements dans les pratiques ; elle permet de mettre en œuvre une ou plusieurs (rarement plus de trois) actions de correction, après avoir sélectionné celle ou celles ayant la meilleure rentabilité.

    Par indicateur. Il s'agit de recueillir des indicateurs comme l'HbA1C, le poids ou la consommation de tel ou tel médicament. Ce recueil permet le suivi dans le temps des résultats des soins. Les indicateurs peuvent être recueillis dans les dossiers des médecins, mais aussi auprès des patients, ou dans les bases de données des laboratoires d’analyses médicales.

    Cette méthode peut être individuelle, mais aussi collective (chaque médecin peut comparer ses propres pratiques à celles d’un groupe comparable).

    L’évaluation des pratiques professionnelles nécessite la comparaison à un référentiel. Nous avons vu que les méthodes d’amélioration des pratiques sont multiples. Elles ont cependant toutes un point commun : la comparaison à une pratique de référence, appelée référentiel. Pour ne pas être critiquable, ce référentiel doit être soigneusement élaboré. En effet, la pratique de nombreux audits déjà réalisés montre que l’adhésion à cette méthode nécessite avant tout une adhésion au référentiel. Je ne peux comparer ma pratique qu’à une pratique « idéale » que je ne conteste pas. La HAS propose une méthodologie rigoureuse pour l’élaboration des référentiels. L’encadré (voir page 14) présente les étapes de l’élaboration de leur élaboration.

    Quelle crédibilité accorder aux référentiels ?

    Si les conditions recommandées par la HAS pour l’élaboration d’un référentiel sont respectées, nous voyons que les meilleures garanties de crédibilité sont apportées. La comparaison peut être réalisée. Le référentiel doit être utilisé « tel quel », et aucune modification ne peut être réalisée sans une justification sérieuse, et en utilisant la méthodologie proposée.

    Toutes les pratiques disposent-elles d’un référentiel ?

    Il est vrai que la liste des référentiels produits aujourd’hui est limitée, bien que recouvrant de très larges pans de la pratique professionnelle. Elle s’accroît tous les jours, et les sociétés savantes travaillent à en enrichir la liste. Comment faire si un référentiel n’est pas disponible pour la pratique que je veux évaluer ? Nous l’avons vu, il existe plusieurs méthodes pour analyser sa pratique.

    Dans le domaine biomédical, les synthèses d’information (recommandations professionnelles françaises et étrangères, conférences de consensus) sont nombreuses. Pour les disciplines cliniques disposant de peu ou ne disposant pas de référentiels, il est cependant possible de travailler avec des méthodes validées :

    > revues de dossiers sur un thème précis ;

    > risque iatrogène ;

    > prise en compte des comorbidités ;

    > relation médecin-patient ;

    > information du patient ;

    > qualité des courriers ;

    > gestion des examens complémentaires ;

    > organisation du cabinet ;

    > gestion du dossier médical ;

    > organisation des rendez-vous ;

    > gestion de la salle d'attente ;

    > relations avec les autres professionnels.

    La liste de ces méthodes est longue. Mais chaque médecin, ou au mieux chaque groupe de médecins, pourra trouver une méthode lui permettant de s’inscrire dans la démarche qualité. Le référentiel existe bien souvent, pas toujours sous la forme d’un référentiel d’évaluation construit par la HAS ou une société savante. Mais le Code de la santé publique et le Code de déontologie sont des sources importantes de pratiques de référence. La construction de nouveaux référentiels est possible pour tout groupe organisé de médecins. Seule une méthodologie rigoureuse permet d’en garantir la crédibilité. C’est un des rôles actuels des sociétés savantes.

    (1) Le Monde, mardi 28 février 2006.

    (2) Mission relative à l’organisation juridique, administrative et financière de la formation continue des professions médicales et paramédicales, d’Autume (Ch.), Postel-Vinay (D.), rapport 2006 002, janvier 2006.

     

    Les étapes de l’élaboration d’un référentiel

    > Choix du thème. En fonction de : l la fréquence de la pratique, de son potentiel d’amélioration ; l du risque pour le patient ; l de l’existence de sources de documentation.

    > Identification des sources de documentation. Références réglementaires et professionnelles (ex. : RPC, conférence de consensus).

    > Sélection des textes de référence. l Évaluation de la validité et de la pertinence pour la pratique concernée; l Adéquation avec les moyens disponibles, l’organisation des soins et  le niveau de formation des professionnels.

    > Identification et sélection des objectifs et des exigences de qualité.  Identification des éléments les plus importants : exigences de qualité (ou recommandations élémentaires ayant un impact important sur la prise en charge d'un patient); l  Choix effectué sur des critères explicites (si les exigences sont nombreuses).

    > Élaboration des critères d'évaluation. Représentatifs des exigences de qualité, donc de la qualité des soins (processus ou résultat) 

    Base de comparaison entre la pratique réelle et la pratique jugée optimale. Écriture du projet de référentiel; l  Vérification que le contenu est conforme aux textes de référence.

    > Critique par le groupe de lecture. Grille d’évaluation du référentiel; Rapport intermédiaire d’élaboration.

    > Rédaction de la grille de recueil et du guide d'utilisation. Modification du projet en fonction des remarques du groupe de lecture; Rédaction de la grille de recueil; l Écriture du guide d’utilisation utilisé pour tester le référentiel auprès des professionnels concernés.

    > Choix de méthode d’évaluation et rédaction du protocole.

    > Test auprès des professionnels. Référentiel + grille de recueil des données + guide d’utilisation ; l Méthode d'évaluation; Protocole.

    > Recueil des résultats du test (grille d'évaluation du référentiel). Analyse des résultats du test

    > Rédaction de la version finale du référentiel.

    > Rédaction du rapport d’élaboration du référentiel.  Décrit chaque étape du processus ; Transmis au promoteur.

     

    Comment faire son EPP sur le site de l'UNAFORMEC.

     Le nouveau barème publié au Journal officiel le 9 août dernier prévoit bien que la formation continue peut être réalisée de manière électronique. Depuis 1994, l'UNAFORMEC a créé des formations électroniques. Diffusées au départ sur disquettes, puis sur CD-Rom, elles sont aujourd'hui disponibles en ligne. Des thèmes comme l’HTA, l’ostéoporose, l’hypercholestérolémie, la supplémentation calcique sont en ligne. Après le parcours de formation, vous recevrez une attestation électronique vous permettant de valider cette eFMC. Dès la fin de l’année, vous pourrez réaliser votre EPP en ligne avec des modalités originales. Pour être informé des nouveautés de ces formations et de cette eEPP, inscrivez-vous à notre lettre d’information à l'adresse suivante : http://www.unaformec.org/Mag/inscriptionmagazine.html

     

     

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