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  • La boîte à outils du médecin généraliste-Des éclairages utiles pour dénouer les situations délicates

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    Même si la formation continue a pour fonction ultime d’améliorer la santé de la population par l’amélioration de la qualité des soins, il ne faudrait pas que, sous prétexte de « mesurabilité », la FMC se limite à ce qui est évaluable, comparable, étalonnable. La consultation en soins primaires est une alchimie composée de biomédical, de technique et de référentiels. Elle procède aussi (surtout !) de l’humain, de la relation, de la psyché, des sentiments, et encore de l’extérieur qui vient pointer son nez : le travail, l’environnement, la famille, la vie...

    Elle nécessite alors des connaissances dépassant le biomédical et rarement enseignées à la faculté. Intégrer ces éléments dans les formations nécessite de faire appel à des intervenants extérieurs non médecins dont l’expérience est indispensable à la bonne compréhension et la prise en charge d’une situation. La multiplicité des points de vue permet alors d’apporter aux participants une confrontation de leurs pratiques, sans pour autant les transformer en spécialistes du sujet. Diversifier le nombre de « paires de lunettes » que le médecin a à sa disposition le rend plus à même de prendre en compte des aspects que la simple bio-clinique ne permet pas d’appréhender. Par exemple, la psychothérapie en médecine générale ne consiste pas à tenter d’appliquer une technique spécialisée comme la psychanalyse ou la thérapie familiale.  Ni le temps de formation, ni le temps de la consultation ne le permettent, et ce n’est pas ce que les patients attendent.

    Notre objectif est de donner aux médecins des outils de lecture et d’analyse des situations, multiples et complémentaires. Les outils disponibles sont nombreux —psychanalyse, analyse systémique, thérapies cognitives— et apportent chacun un éclairage utile dans certaines situations qu’il sera ainsi plus facile de dénouer. Le dicton « Si vous n’avez qu’un marteau comme seul outil, vous verrez tous les problèmes comme des clous » peut très bien s’appliquer à la vision parcellaire de l’enseignement médical. Comment peut-on prendre en charge un toxicomane, un travailleur immigré africain, un patient harcelé au travail, sans analyser, même succinctement, les représentations qu’évoquent pour nous ces catégories ?  Les sciences sociales nous ont appris que le contexte du soin déterminait fortement sa réalisation, qu’il ne suffisait pas de connaître les recommandations de bonnes pratiques mais qu’il fallait aussi savoir les adapter au contexte du patient et à la réalité de notre exercice.

    Les recommandations étant très facilement disponibles, nous considérons que la formation continue ne doit pas être le lieu de leur seul apprentissage ou de leur remise à niveau, mais un lieu de réflexion sur les moyens de les intégrer dans notre pratique, en les confrontant à la fois au patient et à nos représentations. Prenons l’exemple de l’hypertension : seul un hypertendu sur deux est traité, et sur ces 50% de patients traités, un sur deux est équilibré. Si l’on veut améliorer cet indicateur de santé, ce n’est pas en proposant au médecin une énième mise à jour sur les IEC et les sartans ; c’est plutôt en travaillant à la fois sur les représentations qu’il se fait de son rôle d’acteur de santé publique, d’accompagnement du patient, de contraintes à poser à un individu sans signes cliniques de maladie, et en l’aidant à mieux apprécier les résistances du patient à prendre un traitement, à venir consulter, à aller chez le pharmacien, à améliorer un chiffre alors qu’il ne se sent pas malade...

    « Amener ses cas cliniques »

    La FMC, comme l’EPP, doit s’appuyer sur la pratique des participants. D’où l’utilité qu’il y a parfois de remplacer les cas cliniques écrits et « bien léchés » par ceux que les participants apportent. Nous faisons l’hypothèse qu’une extrapolation de la pratique est plus pertinente en termes de modifications de pratiques que la résolution théorique, dans le confort tiède d’un atelier de formation, d’une situation clinique trop destinée uniquement  à illustrer une belle démonstration. Le résultat est parfois moins académique mais l’appropriation bien supérieure. Les participants jouent le jeu, ils ont compris qu’ils ne sont pas là pour raconter des histoires de chasse, mais participer à une formation collective. Cette position est confortée par les premiers retours des actions d’évaluation des pratiques professionnelles (audits cliniques) : la mise en pratique des recommandations dans l’activité au quotidien est beaucoup plus complexe et multifactorielle qu’il n’y paraît.

    Si on prend l’exemple du conseil minimal dans la consommation de tabac, on remarque qu’il est faussement simple de l’appliquer en médecine générale : ainsi, puisque rien n’est prévu pour faire le point de la santé du patient à périodicité fixe (disons une fois par an), comment les médecins s’organisent-ils pour « parler tabac » entre la rhinopharyngite et l’infection urinaire ? La confrontation des expériences, les trucs et astuces de chacun, les comportements, les outils de la motivation, ce sont tous ces éléments qui doivent trouver leur place dans la formation.

    Pascal Charbonnel

     

     

     

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