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  • La formation dans les Réseaux, un apprentissage indispensable

  • La plupart des réseaux débutent leurs activités en organisant des formations. C’est donc une étape indispensable pour fortifier un réseau. Les objectifs des ces formations sont multiples :

    • permettre aux acteurs du réseau de se rencontrer ;

    • mettre à plat les représentations souvent négatives qu’ont les professionnels les uns envers les autres ;

    • donner de l’homogénéité aux pratiques en les tirant vers le haut ;

    • développer des stratégies coopératives ; • développer une vision solidaire des acteurs du réseau ;

    • faciliter l’évaluation en introduisant des principes de la démarche qualité *.

    Quand nous écrivions cela en 2004 nous tirions le bilan de 15 ans d’existence des réseaux. La liste de ces objectifs reste d’actualité.

    Se rencontrer. La constitution d’un réseau permet à des professionnels des différents champs qui situent leurs actions sur l’itinéraire d’une personne malade de se rencontrer. Aussi surprenant que cela puisse être dans l’organisation actuelle du système de soins et de santé, des professionnels qui interviennent auprès d’une même personne malade pour apporter une solution à un de ses problèmes ne se parlent pas. Nous savons pourtant parfaitement que la complexité dans l’accompagnement d’une personne malade se définit par la multitude de paramètres qui interviennent dans le processus pathogène et qu’aucun professionnel seul ne peut être suffisant à lui tout seul. Différents champs de compétences sont nécessaires, du biomédical au social, en passant par le psychologique et le culturel, chacun détient un élément de la solution. Combien de parcours de malades deviennent chaotiques justement parce que les professionnels ne se parlent pas, n’élaborent pas ensemble des référentiels d’actions. Certains réseaux ont su aller plus loin en associant au travail des professionnels l’expertise des malades. La formation du réseau a joué un rôle déterminant dans la rencontre des professionnels avec les malades. On organise aujourd’hui l’Education thérapeutique du patient, comme une évidence à l’amélioration du suivi des pathologies chroniques. Ce sont les réseaux de santé qui ont libéré la parole, qui ont brisé les murs entre les différents secteurs, qui ont construit une transversalité de l’action de soigner et qui, tel Sisyphe, ont montré que cette transformation n’est jamais acquise.

    Les représentations. Nous savons tous que nous trimbalons dans nos têtes des représentations des uns et des autres acquises sur des valeurs de hiérarchies, de niveaux de formation, de la place sociale que nous occupons ; chacun cherchant à montrer que son rôle est plus important que celui du voisin. Le réseau tente de modifier ces comportements en montrant que chaque compétence a une valeur identique dès lors qu’en s’associant à une autre compétence elle permet de résoudre le problème du malade : à quoi sert la thérapeutique proposée par le médecin hospitalier, si l’assistante sociale n’a pas réussi à obtenir un accès aux soins pour la personne malade ; à quoi bon définir un maintien à domicile si le port des repas n’est pas organisé et réalisé. Le grand mérite du réseau c’est d’avoir pu modifier les représentations négatives (et souvent stupides) entre acteurs. Ce sont les formations qui, en permettant cette rencontre et l’apprentissage de ce que fait l’autre, ont conduit à ce notable progrès.

    L’amélioration des pratiques. S’enrichir de connaissances, les soumettre au regard des autres, les visiter à l’aune des différentes pratiques des uns et des autres permet de réaliser une étape importante de la qualité des pratiques. Le plus difficile ce n’est pas l’acquisition des connaissances c’est leur adaptation à la réalité vécue par la personne malade. Cette adaptation est plus facile à acquérir au sein du réseau lors de ses formations. On pourrait dire que la formation du réseau permet à ses acteurs d’améliorer leurs pratiques grâce à l’art de l’adaptation.

    Les coopérations non hiérarchiques. Quand à l’issue d’une formation un acteur du réseau peut se dire : « Face à tel problème exprimé par le malade, qui n’est pas de ma compétence, je peux orienter ce malade vers tel ou tel acteur, car j’ai appris qui il était et que je connais maintenant la nature de sa compétence », alors cet acteur exerce son métier dans le cadre des coopérations. Cela ne le dispense pas de chercher dans son diagnostic tous les éléments qui ne sont pas de sa compétence, bien au contraire puisqu’il sait comment orienter le malade. Il pourrait même aller jusqu’à s’intéresser à ce qu’il ne connaît pas puisque le réseau peut offrir une solution. C’est pour cette raison que les formations du réseau doivent être pluriprofessionnelles, intersectorielles pour permettre l’apprentissage des stratégies de coopération.

    Se connaître pour être solidaire. Le réseau produit du respect et de la solidarité, cela est une évidence. Quand le réseau intervient pour expliquer à une institution que le travail de transversalité produit par un de ses salariés lui donne le droit de s’interroger sur la pertinence de sa mission, il ne peut le faire que s’il est solidaire de cet acteur de santé. Il y a de nombreux exemples où l’intervention du réseau donne de la visibilité au travail des uns et des autres : cela produit de la reconnaissance et de la solidarité. C’est une gratification à travailler au sein d’un réseau.

    La démarche qualité. La formation du réseau, en construisant de la coopération, en définissant des référentiels partagés, en donnant de la cohérence au travail des uns et des autres, en créant des solidarités, en modifiant le concept d’évaluation pour la faire passer du sentiment de contrôle à celui d’amélioration des pratiques, inscrit son action dans la démarche qualité. Ne soyons pas naïfs. Toute cette description définit des objectifs à atteindre et le tableau n’est pas si idyllique que cela. C’est un travail constant que d’essayer d’atteindre ces objectifs. Mais la connaissance de nombreux réseaux, où chacun a pu ici et là atteindre en partie ou en totalité un de ces objectifs, me fait écrire que se donner l’ambition de les atteindre tous est peut être une utopie, mais c’est une utopie qui fait sens pour tous ceux qui pensent que les réseaux sont en devenir et qu’ils constituent un apport majeur au système de l’offre de soins en lui permettant de devenir un système de santé.

    Dr Didier Ménard

    * « Réseaux de santé - La qualité en pratique ». CNR 2004.

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