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  • La qualité des soins en ligne de mire pour l’EPP

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    L’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) est devenue une obligation pour tout médecin, généraliste ou spécialiste, libéral ou salarié, exerçant en établissement de santé ou non. Inscrite dans la loi de santé publique du 13 août 2004 relative à l’Assurance maladie, ses modalités ont été définies par décret en date du 14 avril 2005. Sa nécessité répond à une exigence d’autant plus profonde que les usagers du système de santé sont de plus en plus soucieux de sécurité et d’efficience des soins qui leur sont délivrés et de visibilité en termes de professionnalisme des professionnels qui prennent en charge leur santé (1). Mais il s’agit également d’une exigence sociétale, les partenaires sociaux se devant d’être garants de la santé publique en termes d’efficience et de gestion économique. Il s’agit enfin d’un intérêt personnel, la qualité des soins délivrés étant source de satisfaction et d’épanouissement professionnel.

    L’enjeu principal est donc la qualité. « L’EPP vise à promouvoir la qualité, la sécurité, l'efficacité et l’efficience des soins et de la prévention et plus généralement la santé publique, dans le respect des règles déontologiques… L’évaluation des pratiques professionnelles, avec le perfectionnement des connaissances, fait partie intégrante de la formation médicale continue » (2). L’EPP est le complément incontournable de la formation médicale continue (FMC) dont elle mesure l’impact et elle doit naturellement contribuer à en améliorer la pertinence et donc l’efficacité.

    Selon les termes officiels, l’évaluation des pratiques consiste en une analyse de sa pratique professionnelle en référence aux recommandations pour la pratique clinique, aux référentiels de bonne pratique, aux données validées de la science selon une méthode évaluable et validée par la Haute Autorité de santé (HAS). Mais les modalités de mise en œuvre peuvent être nombreuses et diversifiées et sont fonction des différentes visions de la qualité des soins et des différents éléments de sa définition. La notion de qualité reste encore sous l’emprise de sens multiples en fonction de la position de celui qui la définit dans le secteur de la santé : professionnel, usager, gestionnaire (3). La « qualité voulue » par les professionnels, généralement assimilée à la recherche d’une « expertise », peut être différente de la « qualité ressentie » par l’usager consommateur, elle-même différente de la « qualité réellement délivrée ». Ces différentes approches de la qualité débouchent sur différents modèles conceptuels de l’évaluation.

     

    LA QUALITÉ VOULUE

    1. Les premiers groupes de pratique Unaformec (GPU) reposent ainsi sur une autoanalyse de sa pratique, au moyen d’un audit ciblé, avant et après une soirée de formation, suivie d’une évaluation des modifications de la pratique et d’une identification des pistes d’améliorations et des moyens à mettre en œuvre pour y parvenir. La méthode inclut également le suivi de l’amélioration. L’audit construit à partir des recommandations pour la pratique clinique et des référentiels correspondants est imposé aux participants. Il s’agit exactement d’un modèle de qualité voulue par les professionnels et les gestionnaires de la santé avec un objectif d’amélioration de l’expertise.

    2. Les indicateurs de qualité :

    l Les indicateurs de processus évaluent le taux de recours à des procédures comparativement aux recommandations et aux référentiels de bonne pratique. À titre d’exemple, sur le thème du suivi du patient diabétique de type 2, l’Assurance maladie est en mesure de communiquer à un médecin le pourcentage de ses patients ayant eu tous les trois mois une prescription de dosage d’HbA1c et annuellement un bilan OPH, un ECG de repos, un bilan lipidique, une créatinine, une recherche de microalbuminurie, un examen de la bouche et des dents [4,5]. Ces données sont comparées à celles des confrères du département et de la région. Il est ainsi facile, même au sein de groupes plus restreints, par exploitation de fichiers informatisés, d’identifier les écarts entre la pratique et les référentiels, les pistes d’amélioration et d’évaluer la modification des pratiques sur le long cours.

    l Les indicateurs de résultats permettent d’évaluer l’impact des pratiques sur la santé des patients, ce qui correspondrait en fait à l’objectif prioritaire d’une évaluation en matière de santé. Mais leur mise en œuvre est plus difficile du fait de l’intrication des procédures appliquées, de la diversité des patients, de leur état de santé préalable et de l’observance (3). Leur intérêt a été essentiellement démontré pour la comparaison de l’efficacité de différentes procédures codifiées pour atteindre un objectif thérapeutique ou fonctionnel préalablement identifié.

     

    LA QUALITÉ RESSENTIE

    1. Les groupes pour l’évaluation des pratiques (GEP) sont issus d’une formation mise en œuvre par l'UNAFORMEC, « De l’évaluation des pratiques à l’implémentation des recommandations », suivie sur deux ans par une cinquantaine de médecins à titre individuel. Après l’analyse dans un premier temps des points clés d’une recommandation et de la réponse « je fais », « je ne fais pas » ou « j’ai besoin d’information », les participants identifient eux-mêmes les indicateurs avec lesquels ils vont évaluer leur pratique. Il s’agit de créer, ou d’adapter si elle existe déjà, une grille d’audit à utiliser au décours immédiat puis à distance de la formation. Mais l’expérience de nombreuses évaluations des pratiques montre qu’un renforcement périodique de la démarche, à l’aide de « rappels », améliore les pratiques. Les participants au cycle « GEP » construisent ou adaptent un « rappel ».

    Lors de la réunion de restitution de l’audit 1, une personne-ressource est présente pour répondre aux besoins d’information. Des premières pistes d’amélioration sont identifiées. Une fois par an est prévue une soirée de synthèse des différents audits réalisés débouchant sur de nouvelles pistes d’amélioration.

    Les audits et les rappels utilisés sont enfin croisés avec des enquêtes de satisfaction remplies par les utilisateurs usagers. Les grilles de recueil ainsi que les outils pour les rappels sont à chaque fois analysés sous l’angle des trois critères de pertinence par rapport à la pratique et aux données de la science, de faisabilité et d’acceptabilité par le professionnel et par le patient.

    Une présentation de cette méthode à des représentants d’associations a montré sa transposabilité du plan individuel au plan collectif pour des petits groupes locaux de formation nécessitant deux soirées dans le cadre de leurs programmes de formation habituels.

    Ces GEP mêlent à la fois une évaluation de la qualité voulue, le thème étant choisi par les professionnels, et de la qualité ressentie par la prise en compte des attentes et de la satisfaction des patients.

    2. Inspiré du Case Management américain ou encore du « suivi de clientèle » canadien, le « chemin clinique » ou Clinical Pathway est un outil focalisé sur le patient qui décrit pour une pathologie donnée le calendrier prévisible des différents intervenants et les résultats attendus. Principalement conçu pour des patients hospitalisés avec conception d’un projet et désignation d’un chef de projet responsable, le concept est parfaitement adaptable pour une prise en charge ambulatoire à partir du moment où la pathologie fait intervenir une prise en charge multidisciplinaire, transversale ou en réseau, pour des groupes de patients présentant des besoins semblables. Reposant sur une logique de traçabilité, la méthode contribue pour les acteurs à s’approprier les recommandations professionnelles, développer la coordination et la communication interprofessionnelle et réduire la variabilité des pratiques, donc améliorer la délivrance et la continuité de soins de qualité (6).

    Le chemin clinique se définit comme une liste et un échéancier des actes à réaliser pour atteindre les objectifs, permettant d’identifier les points clés de la prise en charge, les activités des différents intervenants et ainsi d’optimiser l’utilisation des ressources, d’éviter les répétitions inutiles et les oublis et diminuer les risques d’erreurs. La programmation du suivi partagée avec le patient contribue à faire du chemin clinique un outil de communication et d’« empowerment ».

    La mise en œuvre correspond aux quatre étapes du cycle continu d’amélioration de la qualité ou roue de Deming, Plan/ Do/Check/Act  (PDCA) : planifier (choix de la pathologie, de la méthode et de l’organisation), mettre en œuvre, évaluer l’impact et ajuster (identifier et mettre en œuvre les actions correctrices).

     

    D’AUTRES MODÈLES

    1. Le bilan professionnel personnalisé de l'UNAFORMEC (BPP) conçu comme un outil d’autoévaluation des besoins de formation, avec ses trois modules « Que fais-je ? », « Qui suis-je ? » et « Que sais-je ? », peut être considéré comme la première étape d’une démarche qualité. Sa répétition permet d’évaluer la progression des connaissances et des compétences et d’identifier de nouvelles pistes d’amélioration. Le BPP permet d’identifier des besoins réels de formation et non des besoins ressentis et permet donc d’individualiser un modèle spécifique de qualité voulue reposant sur des besoins non choisis par le professionnel.

    2. D’autres démarches peuvent être proposées, s’appuyant notamment sur les actions de FMC. Ainsi que stipulé dans le décret d’application sur l’EPP, celle-ci fait partie intégrante de la FMC. Toute action de FMC concerne des professionnels en exercice et se doit donc, pour être pertinente, de partir de la pratique, c'est-à-dire d’une enquête préalable de la pratique ou des dossiers des participants. La formation elle-même doit s’appuyer sur les recommandations pour la pratique clinique ou sur les données validées de la science à partir desquelles les participants vont être amenés à construire leur propre grille d’évaluation à distance de l’impact sur leur pratique. Les critères retenus peuvent porter aussi bien sur le contenu des dossiers, la délivrance des soins que sur l’observance ou la qualité de vie des patients, mêlant donc qualité voulue et qualité ressentie.

     

    QU’EN RETENIR ?

    L’EPP n’est pas une fin en soi mais la première étape d’une démarche qualité (7). L’objectif final est l’amélioration de la qualité des soins dont il existe différentes approches selon qu’on se place du côté du professionnel dispensateur de ces soins, de l’utilisateur usager de la santé ou encore des gestionnaires garants de la santé publique. Le résultat global en termes de qualité doit nécessairement mêler des notions d’« expertise » professionnelle s’appuyant sur les données validées de la science, de qualité de vie intégrant le contexte médico-socio-psychologique du patient, et d’incontournables données socio-économiques. L’EPP ne peut reposer sur une méthode unique. Selon les thèmes, l’existence ou non de recommandations et/ou de référentiels, les spécificités d’exercice, la nécessité pour un groupe professionnel est le choix d’une méthode pertinente par rapport à sa pratique, faisable et acceptable. L’EPP, au même titre que la FMC, doit en outre s’inscrire dans la continuité, être gratifiante et source d’épanouissement personnel, ce qui suppose sa mise en œuvre dans le cadre convivial et « non jugeant » des petits groupes habituels de formation, sans jamais toutefois perdre de vue que l’impact de la méthode sur les pratiques doit lui-même rester évaluable.  

     Références

    1. Matillon Y., Modalités et conditions d’évaluation des compétences professionnelles des métiers de la santé. Rapport de mission à la demande du ministre de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche et du ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées, août 2003, 94 p.

    2. Ministère des Solidarités, de la Santé et des Familles. Décret n° 2005-346 du 14 avril 2005 relatif à l’évaluation des pratiques professionnelles.

    3. Bahrami S., Grenier-Sennelier C., Minvielle E., Conception et rôle des indicateurs de qualité dans l’évaluation des pratiques professionnelles, L’expérience COMPAQH, Inserm, HAS 2005.

    4. ANAES, Recommandations pour la pratique clinique. Suivi du patient diabétique de type 2 à l’exclusion du suivi des complications, 1999.

    5. ANAES, Patient diabétique de type 2 sans complications : suivi dans les 18 derniers mois écoulés, Référentiel, juillet 2003.

    6. ANAES, Chemin clinique : une méthode d’amélioration de la qualité, 2004.

    7. Collectif, L’expérience professionnelle garantit-elle la qualité des soins, Bibliomed, 2005, n° 388.

     

     

     

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