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  • Les spécialistes en quête d’une EPP idoine

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    Qu’est ce qui a donc poussé l’ANAES puis la HAS à mettre en place successivement les FPC de spécialistes, l’EPP, l’accréditation des spécialités à risque, presque dans le même temps ? D’abord, la progressive judiciarisation de l’exercice de la médecine touche avant tout les spécialistes. Ceux-ci, et notamment les spécialités dites « à risque » voient d’une manière inéluctable le nombre de plaintes liées à leur pratique augmenter. Toutes les spécialités chirurgicales, anesthésistes, réanimateurs, gynécologues médicaux et obstétriciens sont concernés. Pour les stomatologues, ORL, ophtalmologues, cardiologues, radiologues, gastro-entérologues, et pneumologues, sont concernés ceux ayant une activité chirurgicale ou interventionnelle. Ainsi, actuellement, un chirurgien orthopédiste est « mis en cause » une fois tous les deux ans ! Les CRCI (commissions régionales de conciliation et d’indemnisation), notamment, sont de plus en plus souvent saisies. Il est donc certain qu, sur chaque spécialiste, surtout « à risque », plane en permanence la menace d’une plainte, d‘une expertise, d’un procès. Ce fait est incontestable et hélas inéluctable.

    Le développement progressif des associations de patients, déjà bien présentes dans les structures libérales de soins, n’en est qu’à ses débuts. Celles-ci reprochent depuis toujours aux membres du corps médical leur opacité, le manque d’information apportée au patient, et la grande variabilité des approches. Elles font désormais partie intégrante des structures de soins, et n’hésitent plus à « demander des comptes ».

    Enfin, et d’une manière plus générale, l’évolution de la société, ou les mots qualité et traçabilité sont présents au quotidien, ne peuvent épargner le corps médical et notamment les spécialistes. Chaque acte, chaque parole doivent être pesés, car ensuite, mal interprétés par le patient en cas de problème, la parole de trop, la négligence, le manque de temps se retournent inéluctablement contre le praticien.

    Il fallait donc bien mettre en place un système de formation et d’évaluation pour les spécialistes au même titre que pour les généralistes ! Sont donc apparus pour ceux-ci, et en l’espace d’un an, les formations professionnelles conventionnelles (FPC) destinées aux spécialistes, l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP), la certification des établissements de soins (ex-accréditation V2), et l’accréditation des spécialités « à risque ».

    La FPC n’en est qu’à sa première année « officielle » pour les spécialistes et, il faut bien l’admettre, ne remporte guère de succès pour l’instant. En effet, ce type de formation n’est pas encore ancré dans la culture du spécialiste, qui préfère passer par les sociétés savantes bien structurées autour de congrès annuels, avec il est vrai une internationalisation bien plus avancée que pour les généralistes puisque de nombreuses sociétés savantes européennes ou internationales fonctionnent très bien. De plus, le spécialiste (toujours pressé !) préfère recueillir de nombreuses informations ponctuelles plutôt que de passer un week-end entier à parler sur un seul sujet. Sa culture de formation et d’information reste donc pour l’instant essentiellement axée autour des congrès et des revues scientifiques.

    Il est vrai aussi que les spécialistes sont pour l’instant peu présents au sein des associations de formation médicale continue, et sont plus sollicités en tant qu’experts qu’en tant qu’organisateurs ou participants. Mais il est probable que, barème aidant, les spécialistes seront amenés à se tourner vers cette voie pédagogique encore neuve pour eux. Ainsi, au sein de l’UNAFORMEC et pour l’année 2006, le nombre de FPC exclusivement réservées aux spécialistes reste très faible (moins de 5 % de l’ensemble des FPC nationales).

    > L’EPP, obligatoire depuis 2005, concerne aussi les spécialistes. Celle-ci utilise pour l’instant essentiellement des référentiels issus de la Haute Autorité de santé, avec un certain nombre de critères, dans une approche par comparaison. Et là, il faut bien le dire, un certain nombre de problèmes se posent face au spécialiste désireux de valider son EPP : l d’une part, le nombre de référentiels disponibles exclut un certain nombre de spécialités pour lesquelles il n’en existe pas pour l’instant ; l d’autre part, les critères scientifiques inclus dans ces référentiels sont souvent en deçà des espérances des spécialistes, car bien au-dessous de tout ce qu’ils font déjà. Ainsi, vérifier sur un dossier ou un compte rendu opératoire que le nom du patient est bien inscrit ne va pas particulièrement motiver le spécialiste qui, du fait de son organisation propre (informatisation, secrétariat), et des contraintes légales en cas de plainte, veille à ce qu’un maximum d’informations soient inscrites sur le dossier clinique, la correspondance avec le médecin référent, et le compte rendu opératoire. Le risque de cette approche par indicateurs est donc que le spécialiste n’y voie qu’un intérêt administratif (l’EPP « tampon ») et que cela ne lui permette que peu de possibilités d’amélioration. Mais peut-être, dans un second temps, des référentiels ou une approche un peu plus exigeante pourront être proposés.

    La certification des établissements de soins est également une voie d’EPP potentielle pour le spécialiste. En effet, au sein des structures de soins et coordonnées par les ME, certains projets vont faire intervenir des spécialistes qui se verront ainsi valider leur EPP. L’avantage de ce type d’évaluation est qu’elle regroupe plusieurs approches différentes (et notamment des approches par processus ou par problème, qui collent plus aux désirs d’amélioration des spécialistes que les approches par indicateurs), et donc permet, au sein de son établissement, avec une approche souvent transversale et multidisciplinaire, un vrai travail d’évaluation de ses pratiques. L’inconvénient en est qu’il faut appartenir à une structure de soins d’une manière régulière, et s’intégrer dans le processus de certification d’établissement, donc dépendant de ceux-ci, souvent très lourds.

    L’accréditation de la qualité de la vie professionnelle pour les spécialités « à risque » déjà citées, issue du décret du 23 juillet 2006, repose sur l’analyse et la gestion des événements porteurs de risque, donc sur le principe de l’amélioration continue par la gestion des risques. Le spécialiste s’engagera à transmettre à un organisme agréé pour la gestion des risques les événements porteurs de risque, à mettre en œuvre les recommandations individuelles résultant de l’analyse de ces événements et/ou des référentiels de soins ou de pratiques professionnelles résultant de cette analyse, et à satisfaire aux exigences de participation aux activités d’amélioration de la sécurité des pratiques au sein de sa spécialité. Cette nouvelle voie, réservée aux spécialités susnommées, a le double avantage de permettre une approche exclusive par problème, et, argument non négligeable, d’apporter un intéressement au spécialiste sous la forme d’une diminution substantielle de sa prime d’assurance. Par contre, d’une part elle se met tout juste en place et notamment le travail préalable des organismes agréés n’a souvent pas débuté, et d’autre part elle implique un travail sur un an pour l’accréditation, puis de quatre ans pour son renouvellement ! La participation à l’accréditation permettant de valider son obligation d’EPP.

    L'UNAFORMEC, par le biais des GPU (Groupes de pratiques Unaformec), a été officiellement reconnue par la HAS comme organisme agréé. Ceux-ci reposent sur l’Audit clinique ciblé, reposant sur un nombre restreint d’indicateurs, et un nombre de sujets également réduit. La question que nous nous sommes posée est : comment proposer aux spécialistes une EPP qui leur soit profitable sans être trop lourde, qui puisse être pérenne en restant dans leur quotidien, qui leur permette une amélioration vraie dans leur pratique sans en rester à des critères trop théoriques ?

    Il nous a donc semblé important de privilégier les groupes déjà constitués, c'est-à-dire que les associations de formation continue déjà existantes ou des groupes déjà constitués de spécialistes comme il en existe beaucoup, soient le support de l’EPP. Ce qui veut dire qu’il existe déjà une dynamique propre et des problématiques communes, par rapport à la lourdeur d’un « nouveau » groupe, dont les membres, ne se connaissant pas forcément, n’arrivent donc pas avec les mêmes intérêts. De plus, cela permet d’associer subtilement formation et évaluation, ce qui est finalement bien le but pour obtenir l’effet d’amélioration, car s’évaluer d’un côté, et se former de l’autre dans des systèmes différents risque de ne pas être cohérent.

    Nous avons ensuite opté pour un nombre de critères assez restreint, ce qui permettra au spécialiste de pouvoir se focaliser sur certains points particulièrement importants de son activité, de mettre en place une démarche pérenne sur plusieurs années, et de pouvoir ensuite, par le biais de la SFDRMG, analyser à grande échelle ces quelques critères et d’en déduire des indicateurs de qualité avec un vrai intérêt potentiel en termes de santé publique.

    Par contre, en ce qui concerne le thème choisi par le groupe, nous avons décidé de rester au plus près du quotidien du spécialiste, afin que le groupe puisse choisir entre une approche par indicateurs, par processus ou par problème.

    Ainsi, avec un groupe de chirurgiens orthopédistes et à l’aide de quelques critères, nous avons opté pour le thème de la correspondance avec le médecin référent afin d’optimiser les échanges d’information avec celui-ci, thème sur lequel l’information délivrée par le spécialiste est souvent incomplète ou mal adaptée.

    En conclusion, le spécialiste se retrouve confronté à plusieurs approches nouvelles pour lui, avec pour chacune des avantages et des inconvénients. Loin d’être concurrentielles, celles-ci se veulent complémentaires afin que chacun puisse s’épanouir dans son processus d’amélioration.

    L’approche spécifique de l’UNAFORMEC se veut l’une d’entre elles, en restant dans « l’esprit UNAFORMEC », c'est-à-dire au plus près des préoccupations du praticien.

     

    - Article L4133-1-1 loi du 13 août 2004 relative à l’assurance-maladie

    - Décret n° 2005-346 du 14 avril 2005 relatif à l’évaluation des pratiques professionnelles

    - Notification d’agrément de la HAS du 20 janvier 2006-09-06

    - Décret n° 2006-909 du 21 juillet 2006 relatif à l’accréditation de la qualité de la pratique professionnelle des médecins et des équipes médicales exerçant en établissements de santé.

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