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  • Savoir douter de soi…

  • La connotation judiciaire associée à l’erreur médicale est le fruit de la médiatisation par une presse avide de lecteurs d’événements qui relèvent le plus souvent de la faute. Distinguons l’erreur de la faute : l’erreur est le plus souvent consécutive à une inattention, une distraction, un oubli,  un événement fortuit survenant au cours d’une consultation. Elle est génératrice d’événement indésirable, évitable. La faute est le fruit d’une négligence, voire d’une tromperie, d’une incompétence. Si on veut inciter les confrères à travailler sur leurs erreurs, il faut donc bien dissocier ces deux notions sous peine de culpabilisation, de honte ou de sentiment d’échec. Au-delà de ces notions, il y a ce que l’on nomme les aléas thérapeutiques, qui sont des événements statistiquement prévisibles, connus et acceptés dans un rapport où le bénéfice l’emporte largement sur le risque… La faute serait pour ces événements aléatoires de ne pas informer le patient de leur possible survenue.

    L’évolution des consensus et références, des AMM, peut faire qu’une attitude cohérente aujourd’hui sera source d’erreur demain. L’analyse critique de l’information, le choix de ses sources d’information peuvent contribuer à diminuer la iatrogènie. Quand un médicament est retiré pour effets secondaires nocifs et que ces effets avaient été annoncés de longue date par une presse indépendante, quid de la faute ou de l’erreur ?

    Ce dossier aborde différentes facettes de l’erreur médicale. Le point de vue de François Moriceau, philosophe, nous éclaire sur sa place dans la relation de confiance implicite entre le patient et son médecin ainsi que sur les effets indésirables de la contractualisation de la pratique médicale. Au moment de devenir docteur en médecine le médecin prête serment. Il est de tradition d’utiliser le serment d'Hippocrate, ce serment a été actualisé/adapté au fil du temps, seuls les Canadiens y ont mentionné la notion d’erreur : « JE JURE de toujours avoir le courage de douter de moi-même et de ne jamais prendre, pour mes patients, le risque d’une erreur qui pourrait mettre leur santé en péril ». Savoir douter de soi, mener une démarche diagnostique rigoureuse, savoir s’entourer d’avis autorisés dès que cela est nécessaire et faire preuve d’une grande rigueur dans la gestion de nos appels téléphoniques, mails et gestion des courriers, contribuerait à éviter de nombreux accidents selon Germain Decroix, juriste au Sou Médical. Jean Brami, professeur associé de Médecine générale à la faculté de médecine Paris-Descartes, nous invite à la culture de la sécurité du patient en médecine générale/médecine de soins primaires, en faisant une mise au point sur la nécessité d’utilisation d’un vocabulaire commun et par l’adoption consensuelle d’une classification.  Isabellel Dupie, médecin généraliste complète ces propos, en nous narrant une mise en pratique au sein d’un Groupe local d’amélioration des pratiques (GLAP), d’une méthodologie de « Revue de mortalité et morbidité (RMM) en Médecine générale », proposée par un groupe de travail de la HAS. Ce type de réunion et de réflexion existe depuis de nombreuses années dans des groupes disséminés et apporte un réel bénéfice aux participants. L’idée d’ouvrir la voie à la constitution d’un dispositif de recueil, voire d’un éventuel observatoire des événements indésirables, est sûrement excellente.

    La mise à jour des connaissances, l’échange des pratiques, la réflexion/travail sur nos erreurs sont des éléments indispensables pour en minimiser le nombre. Comment faire bénéficier nos patients des meilleurs soins sans une formation médicale continue objective et indépendante ? Il nous faut reconnaitre, repérer, analyser, ne pas banaliser, discuter, rechercher, les multiples facteurs en cause dans la genèse des événements indésirables de notre pratique, afin d’en faire un formidable outil pédagogique qui ne pourra que contribuer à leur diminution et concourir à une relation de pleine confiance des patients envers leur médecin.

    Patrick Ouvrard
    Responsable de la Communication
    Société de formation thérapeutique du généraliste

     

     

     

     

     

     

     

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