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  • Une EPP intégrée à la pratique-Une approche réalisable

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    Extrait d’une conversation entre deux amis : A « — Tu sais ce que je pense de cette EPP ? Eh bien, j’ai découvert une piste beaucoup plus intéressante lors de la dernière réunion de notre groupe de FMC, qui était consacrée à la prise en charge diagnostique et thérapeutique d’un patient migraineux.

    B — Je n’ai pas pu y assister, j’aimerais volontiers connaître tes impressions…

    A — Le neurologue qui l’animait a synthétisé une recommandation extraite du site de la HAS sur le sujet. Mais je lui sais gré de l’avoir fait sur une forme vivante et utile en pratique : il est allé jusqu’à nous présenter son dossier spécifique adapté à la prise en charge et au suivi des migraineux, en justifiant son contenu par les références scientifiques correspondantes.

    B — Mais c’est très intéressant. Si l’objectif est que la pratique médicale soit le plus conforme possible aux données actuelles de la science, comme nous y engage le code de déontologie, cette approche que tu décris dans le cadre des consultations me paraît réalisable.

    A — Oui. Et c’est justement là où je veux en venir ; cette manière de faire ne prend pas trop de temps et permet un bon suivi et une bonne prise en charge des patients avec des dossiers bien renseignés et pratiques.

    B —Mais, ce que tu fais avec ton dossier migraine, ce n’est pas de l’EPP ? J’ai consulté récemment le site de la HAS, en particulier le document « EPP mode d’emploi » ; ce que tu fais me paraît correspondre.

    A — Je n’en sais rien, pour moi c’est dans le cadre de mon exercice… Tu as peut être raison… C’est une façon d’améliorer ma pratique concernant la migraine…Encore faut-il que ce changement persiste.

    B — C’est le cœur du sujet. – L’adaptation de ton dossier à la prise en charge de la migraine est une étape essentielle de l’harmonisation de ta pratique. Il concrétise l’idée d’une EPP intégrée à la pratique. Ton dossier est dérivé de recommandations : il est à la fois un support de pratique et un support d’évaluation. Tu peux mesurer par exemple le nombre de dossiers migraine que tu as remplis par rapport au nombre d’ordonnances d’antimigraineux ; ou le nombre de dossiers migraine dans lesquels tu as précisé la classification diagnostique internationale IHS…

    — … ou le nombre d’ordonnances dans lesquelles figure un médicament à éviter dans le traitement de la crise migraineuse… Notre conférencier a insisté là-dessus.

    — Exactement ! Après quoi, s’il y a des discordances (des écarts de la pratique), tu pourras te poser la question des causes de manière dépassionnée. Éventuellement, tu peux aller plus loin et enrichir ta réflexion dans ton groupe. Par rapport au  document dont je t’ai parlé, « EPP mode d’emploi », ce que tu fais est presque de l’EPP. Pour que ce soit complètement de l’EPP, il faudra que tu montres de façon explicite que ta démarche s’inscrit dans la durée et qu’elle permet de montrer un impact sur ta pratique.

    — C’est parfait, j’ai bien compris. »

    Dr Eric Bodiguel, HAS, chargé de  mission régional pour l’évaluation (CMRE) - région Centre

    et Dr Eric Drahi, médecin habilité

     

    Référence

    HAS. « EPP des médecins : mode d’emploi »  -Mars 2007.

     

     

     

     

     

     

    La visite académique

    Quand l’EPP vient à vous…

     

    Moyennant six à huit visites

    d’une demi-heure environ par an assurées par des « praticiens visiteurs » formés par l’URML,

    les médecins qui le souhaitent peuvent  prendre le train de la démarche qualité en passant par un « programme de visite académique », dont l’objectif vise

    une meilleure diffusion des recommandations et, à terme,

    leur intégration par les professionnels de santé dans leurs pratiques

    Le Docteur Michel L., médecin traitant installé depuis 10 ans en milieu semi-rural avec deux confrères, prend connaissance il y a un an d’un article paru dans le journal de l’URML, qui propose à des médecins volontaires d'intégrer un « programme de visite académique ». Le Docteur L. ne sait pas exactement ce qu’est une visite académique ni ce que l’inscription à un tel programme implique pour lui. Il décide d’appeler au téléphone un des membres de l’équipe organisatrice. Son interlocuteur, M. Florent G., est pharmacien.  Il lui explique que ces programmes  ont été mis en place à titre expérimental par l’URML et l’URCAM en Bretagne et qu’ils fonctionnent depuis 2004, avec des résultats encourageants. A l’origine, l'objectif initial de cette action était essentiellement d'améliorer l’efficacité de la diffusion des recommandations et leur intégration par les professionnels de santé dans leurs pratiques. Le principe en est simple : six à huit fois par an, les médecins volontaires reçoivent la visite d’un « praticien visiteur ». Une visite dure environ 30 minutes et se déroule dans le respect mutuel des engagements de chacun (respect des rendez-vous, confidentialité, déontologie).

    des médecins visiteurs

    spécifiquement formés à

    l’ « evidence based medicine »

    Chaque visite est préparée en amont pour prendre en compte les attentes des professionnels et les obstacles concrets à la mise en pratique des recommandations. Les messages sont préalablement travaillés de façon à être limités en nombre, simples et clairs. Les praticiens visiteurs sont des médecins ou des pharmaciens spécifiquement formés à l’Evidence Based Medicine (médecine fondée sur des niveaux de preuves). Les visites comprennent aussi un temps d'échanges sur les habitudes de prescription et le contexte professionnel, les pistes d'amélioration possibles, le moyen de les mettre en oeuvre et de les évaluer.

    Le Docteur L. demande alors comment sont sélectionnés les thèmes. Il apprend que les thèmes retenus sont ceux de la pratique médicale courante, en particulier lorsqu’il existe des choix thérapeutiques difficiles et un potentiel d’amélioration des pratiques. Il peut aussi s’agir de priorités de santé publique. Les besoins sont d'abord identifiés auprès des professionnels de santé ou leurs instances, ou à partir de revues de la littérature, de constats issus de données médico-économiques de l'URCAM (partenaire de l'URML dans la région). Les dossiers sont ensuite préparés par les praticiens visiteurs à partir de données validées, en premier lieu recommandations de la HAS, mais aussi autres sources indépendantes, divers référentiels français ou étrangers.

    Le Docteur L. en parle alors à ses confrères qui, comme lui, ressentent depuis un moment un certain isolement et des difficultés à faire la part des choses en matière d'information médicale. Ils décident alors de s'inscrire à ce programme d’une durée d’un an et de recevoir le praticien visiteur.

    Au bout du 6e rendez-vous en 10 mois, les trois associés se réunissent pour dresser un bilan de leur participation à ces visites académiques. Premier constat, les thèmes présentés correspondent à leurs pratiques professionnelles, à savoir : « Otite moyenne aiguë de l’enfant », « Intérêt de l'acide folique dans la prévention des anomalies de fermeture du tube neural », « Relativiser le cholestérol en tant que critère isolé de l'appréciation du risque cardiovasculaire », « Prévention des effets digestifs des AINS », « Fonction rénale : raisonner en clairance », « Migraine ». Deuxième constat, leur satisfaction commune pour la qualité de l'argumentaire, le professionnalisme et la pédagogie du praticien visiteur. Ils apprécient aussi que le thème soit centré sur une situation clinique et non sur un médicament précis, ils considèrent que cela s'intègre davantage dans leurs pratiques et que cela facilite l'appropriation des messages.

    La crainte initiale du côté chronophage des rencontres s'est rapidement envolée : chaque rendez-vous est planifié d'une fois sur l'autre et tient en une durée acceptable (20 à 30 minutes). Le temps consacré aux visites est ensuite amplement compensé en termes d'efficacité de prise de décision.

    Des échanges contradictoires avec le praticien visiteur comme avec les confrères sur des cas concrets de patientèle.

    Le Docteur L. a, pour sa part, découvert des pistes d’amélioration, notamment qu’il faut éviter les C3G dans l’otite moyenne de l’enfant, qu’il ne faut pas donner de statine systématique en prévention primaire sur le seul critère cholestérol, qu’il faut éviter les IPP systématiques, qu’il ne faut pas se fier à la créatinine mais raisonner en termes de clairance. Il a surtout apprécié la possibilité d’échanges contradictoires tant avec le praticien visiteur qu’avec ses confrères à propos de cas concrets de sa patientèle. A cette occasion, les trois associés se sont rendu compte de l’utilité d'échanges protocolisés au sein de leur cabinet, ce qu’ils ne faisaient pas, en élargissant d’ailleurs les sujets (hygiène, organisation générale...). Ils sont conscients de ne pas avoir suffisamment participé au suivi des indicateurs retenus mais comptent y remédier notamment par le biais de l'outil informatique.

    En conclusion, trois questions se posent :

    • Est-ce que le Dr L. fait de l’EPP ? Son engagement initial témoignait déjà d’une volonté d’analyse et d’amélioration de sa pratique. Il s’est inscrit dans une démarche validée par la HAS ; il a par ailleurs respecté la régularité des visites et s’est ainsi engagé dans une démarche pérenne ; il a pris conscience de pistes d’amélioration en référence à des données validées. Lui et ses associés ont également élargi leurs objectifs d’amélioration, ce qui témoigne chez eux d’une pratique réflexive. On peut donc répondre globalement oui à cette première question !

    • Que manque-t-il éventuellement ? Il le reconnaît lui-même (ses associés également) : pour l’instant essentiellement une évaluation des indicateurs retenus, pour vérifier l’intégration réelle à sa pratique. Ce sera sa prochaine étape dans sa roue de la qualité.

    • Comment faire valider son action et celle de ses associés ? Dans ce cas précis, c’est l’URML, qui a proposé le programme, qui validera très simplement cette action.

    Dr Laure Chapuis

    HAS région Bretagne

    Références

    > HAS. « La Visite académique (Academic detailing, Outreach visit) » - Juin 2006.

    > R. Bataillon, C. Locquet, C. Leneel, H. Leneel, C. Humbert, J.Y. Hascouet. « Visite médicale académique, le programme Infoproximed de la région Bretagne » - Rev. Prat. Med. Gen. 2005 ; 19 : 1240-42. 

     

     EPP mode d’emploi.

    Le cadre règlementaire

    Tout médecin doit satisfaire à l’obligation légale  d’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) au cours d’une période maximale de cinq ans.

    L’EPP consiste en « l’analyse de la pratique professionnelle en référence à des recommandations et selon une méthode élaborée ou validée par la Haute Autorité de santé (HAS) et inclut la mise en œuvre et le suivi d’actions d’amélioration des pratiques » (2).

    Quels sont les interlocuteurs  pour le médecin libéral ?

    Quand un médecin libéral décide de s’engager dans le dispositif d’évaluation des pratiques professionnelles, à qui doit-il s’adresser ? Les interlocuteurs seront différents selon qu’il s’agit de l’organisation ou de la validation de l’EPP.

    Au stade de l’organisation/mise en œuvre, le médecin libéral peut choisir de contacter :

    •  son URML qui pourra lui donner toutes informations utiles sur le dispositif, et qui lui proposera, le cas échéant, le concours de médecins habilités par la HAS pour l’accompagner dans cette démarche ;

    • sa CME (3)  s’il exerce en établissement de santé, qui envisagera avec lui les possibilités, notamment dans le cadre de la certification  de leur établissement ;

    • un organisme agréé EPP qui propose aux médecins des programmes « clefs en main » et dont la liste figure sur le site Internet de la HAS ou peut être fournie par les URML.

    Au stade de la validation de la démarche, l’interlocuteur du médecin libéral est l’URML. Pour les médecins qui travaillent en établissement, c’est également l’URML, en association avec la CME.

    Comment  s’engager dans l’ EPP ?

    Trois possibilités existent pour le médecin :

    1. Il peut réaliser son EPP en auto-organisation seul ou en groupe.

    L’évaluation des pratiques professionnelles consiste pour un médecin à s’engager —seul ou avec des confrères, à « mettre en œuvre dans leur pratique de tous les jours les recommandations de bonnes pratiques, à analyser leur activité en suivant plusieurs critères valides de leur activité et ce dans une dynamique d’amélioration de leurs pratiques ». Les médecins auto-organisent, dans ce cas-là, l’évaluation de leurs pratiques.

    2. Le médecin peut réaliser son EPP avec un organisme agréé, un médecin habilité et/ou dans le cadre d’une CME.

    • Avec un organisme agréé EPP. Ces organismes sont agréés par la HAS pour concevoir et mettre en œuvre des programmes d’EPP. Ces organismes sont assez nombreux et proposent des offres très variées. Ainsi, certains s’adressent  à tous les médecins d’une spécialité (société savante), alors que d’autres proposent des démarches transversales en ville ou en établissement de santé (réseaux de santé, réseaux d’évaluation, etc.).

    • Avec un médecin habilité. Plus de 900 médecins ont été formés et habilités par la HAS pour accompagner le dispositif d’évaluation des pratiques professionnelles. Ainsi un médecin libéral peut solliciter son URML afin qu’elle missionne un médecin habilité pour qu’il l’accompagne dans sa démarche, individuellement ou en groupe. Un médecin habilité peut en effet par exemple accompagner un groupe d’analyse de pratiques entre pairs déjà constitué. Un médecin habilité peut également intervenir dans un établissement de santé pour accompagner un projet d’EPP.

    • Dans le cadre d’une CME. Un médecin libéral exerçant en établissement de santé peut choisir de s’engager dans un programme d’EPP coordonné par la CME, le plus souvent au sein d’équipes médico-soignantes dans son secteur d’activité. Ceux-ci pourront alors entreprendre de concevoir et mettre en œuvre la démarche, seuls ou avec l’aide d’un organisme agréé ou d’un médecin habilité. Bien évidemment, ces programmes pourront être présentés à l’occasion de la visite de certification de leur établissement —c’est bien sûr la même EPP que l’on décline dans tous les dispositifs réglementaires : EPP individuelle, volet EPP de la certification…

    Comment  s’engager dans l’ EPP ?

    3.  Enfin, pour les médecins exerçant une spécialité dite à risque (4), ils peuvent faire leur EPP dans le cadre du dispositif dit d’accréditation des médecins.

    Ces médecins exerçant en établissement peuvent choisir de s’engager de manière volontaire dans le dispositif d’accréditation qui est une forme spécifique d'évaluation centrée sur la gestion du risque (avec signalement d'événements porteurs de risques et mise en œuvre de recommandations) et qui valide de facto l’obligation individuelle d’EPP.

    Comment valider son EPP ?

    Que la démarche ait été organisée individuellement ou en groupe, qu’elle ait été effectuée dans le cadre d’une CME, avec un organisme agréé ou avec un médecin habilité, la validation des démarches entreprises par les médecins libéraux est individuelle et relève de la compétence des URML.

    Ainsi, ce sont les URML qui délivrent les certificats EPP aux médecins libéraux après avis du médecin habilité ou de l’organisme agréé qui a organisé la démarche EPP entreprise par le médecin.

    Les conditions requises, au titre de la validation individuelle de l’EPP, pour les démarches d'évaluation/amélioration des pratiques sont, sur constats documentés pour chaque médecin engagé, les suivantes :

    • choix par le médecin d'une ou plusieurs démarches d'EPP significatives de son activité, s'inscrivant dans la durée et permettant une amélioration de ses pratiques ;

    •  reconnaissance de l’implication du praticien concerné ;

    •  existence d’un suivi explicite des démarches entreprises selon des modalités appropriées (critères, indicateurs, audit, bilan d'activité, etc.) et permettant de montrer leur impact sur les pratiques.

    Quid après avoir obtenu le certificat d’EPP ?

    Au cours de la période quinquennale, s’ouvrant à la date d’installation du Conseil régional de formation médicale continue (CRFMC) dont il dépend (c’est-à-dire dans les toutes prochaines semaines), le médecin transmettra (par voie électronique) une déclaration d’accomplissement de son obligation d’EPP assortie de justificatif(s) (i.e. le certificat d’EPP) à son CRFMC. Rappelons que tout médecin qui a accompli son obligation d’évaluation des pratiques professionnelles bénéficie automatiquement d’un crédit de 100 points sur les 250 requis pour satisfaire son obligation quinquennale de FMC.  C’est le Conseil de l’ordre des médecins qui délivrera l’attestation finale et s’ouvrira alors pour le médecin une nouvelle période quinquennale.

    Caroline Abelmann

    HAS – Juriste Service Evaluation des pratiques

    1.  Loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie [Art. 14] (CSP Art. L  4133-1-1).

    2.  Décret n° 2005-346 du 14 avril 2005 relatif à l’évaluation des pratiques professionnelles (CSP Art. D  4133-23).

    3. Commission médicale d’établissement (établissement de santé public), commission médicale (établissement de santé privé participant au service public hospitalier) ou conférence médicale (établissement de santé privé ne participant pas au service public hospitalier).

    4. Sont concernés :

    • les chirurgiens (y compris gynéco-obstétriciens, stomatologistes, oto-rhino-laryngologistes, ophtalmologistes), anesthésistes-réanimateurs, réanimateurs médicaux ;

    • les médecins exerçant une spécialité interventionnelle (cardiologie, radiologie, gastro-entérologie, pneumologie) ;

    • les médecins ayant une activité d’échographie obstétricale ou de réanimation, en établissements de santé (liste complète publiée dans le décret du 21 juillet 2006, article D.4135-2).

    In brochure 4 pages « L’accréditation des médecins : mode d’emploi » - téléchargeable sur le site Internet de la HAS.

     

     

     

     

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