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  • Une lente alchimie

  • L’histoire d’une loi

    L’ordonnance du 25 avril 1996 prévoyant une obligation de formation médicale continue (FMC) n’a jamais vraiment heurté les médecins. Alors même qu’ils manifestaient contre le plan Juppé, les praticiens ne voyaient pas d’un œil hostile que la collectivité nationale puisse prendre acte de leurs efforts de formation. Et pourtant il aura fallu près de onze ans pour que les conseils nationaux de FMC annoncent, le 12 décembre 2006, la mise en route officielle de cette obligation. Une période faite d’impatiences souvent déçues et marquée de multiples rebondissements mais dont on commencera surtout par relever qu’elle a démontré la volonté des pouvoirs publics, tous gouvernements confondus, d’aboutir. D’un ministre à l’autre le dispositif n’a cessé de se renforcer.

    Le premier grand tournant est pris par Bernard Kouchner qui avec la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, instaure l’obligation légale de FMC. La loi prévoit alors notamment la création de conseils nationaux et régionaux de la FMC. Les premiers textes d’application viendront plus d’un an et demi après : le décret du 14 novembre 2003 crée ainsi trois conseils nationaux de la FMC (médecins libéraux, hospitaliers et salariés) et un comité chargé de leur coordination. Leurs missions : définir les principales orientations de la FMC et attribuer les agréments aux organismes de formation. Installés le 10 février 2004 par Jean-François Mattéi, les conseils sont dotés d’un budget annuel de 4,7 millions d’euros. La loi Kouchner prévoyait que l’obligation soit sanctionnante -« La méconnaissance de cette obligation est de nature à entraîner des sanctions disciplinaires », spécifiait le texte de 2002. Jean-François Mattéi, prônant un système incitatif, amende la loi et en supprime la perspective de sanction.

    Dès lors les conseils nationaux de FMC peuvent se mettre au travail. Certes ils sont, pour l’heure, sans moyens, sans logistique, sans adresse propre, car leur personnalité morale ne leur permet pas de disposer de la dotation prévue par la loi pour leur fonctionnement. Certes le dispositif législatif n’est pas encore complètement achevé –manque le décret instaurant les conseils régionaux de FMC. Mais pour l’heure il s’agit, comme le leur demande la loi, d’élaborer les règles du jeu, de proposer à leur ministre de tutelle un cahier des charges. Ce dont ils s’acquitteront.

    En deux ans, de 2004 à 2006, les événements s’accélèrent. Et l’ensemble des questions en suspend trouveront un cadre de règlement. Pourtant une initiative ministérielle qui prend de court les acteurs de la FMC semble un temps brouiller les cartes : Philippe Douste-Blazy crée avec la loi du 13 août 2004 une obligation quinquennale d’évaluation des pratiques professionnelles (EPP). Une obligation qui, elle, est sanctionnante, et qui entre en vigueur dès le 1er juillet 2005. Piloté par la Haute Autorité de santé (HAS) –l’ex ANAES–, organisme public disposant d’un budget en rapport avec l’importance de ses missions, l’EPP voit son dispositif rapidement mis en place. La profession s’interroge : l’EPP obligatoire et sanctionnant vient-il concurrencer voire se substituer à une FMC, certes obligatoire mais non sanctionnante. Le flottement ne durera guère : très rapidement les responsables de la Haute Autorité soulignent la complémentarité entre FMC et EPP. Un discours parfaitement entendu par les acteurs de la FMC : dès septembre 2005 le CNFMC des médecins libéraux propose au ministère de la Santé un barème associant FMC et EPP : tous les cinq ans chaque médecin devra avoir accumulé 250 crédits dont 100 pour l’EPP, et 150 pour la FMC. Il n’y aura donc pas de guerre FMC contre EPP, mais un système commun et une obligation sanctionnante commune. Au passage la FMC redevient sanctionnante, via l’EPP, et surtout elle voit son concept opérer une mutation. Aujourd’hui, en effet, bien des acteurs de la FMC estiment, selon la formule de Jean-Michel Chabot, chef du service EPP à la HAS que « faire de la FMC sans se préoccuper des résultats (dans la pratique) est une étape qui est désormais dépassée »(1). Il ne s’agit plus simplement pour chacun de se former aux recommandations de bonne pratique, mais de vérifier qu’il les met effectivement en application. Le mariage entre les deux dispositifs est scellé par le législateur, sous le ministère de Xavier Bertrand : les deux décrets du 2 juin 2006 instaurant les conseils régionaux de FMC (CRFMC) leur attribuent comme mission d’intervenir tant dans la FMC que dans l’EPP. C’est au CRFMC que le praticien devra fournir les justificatifs relatifs à sa FMC et à son EPP. Et c’est le CRFMC qui lui remettra son attestation quinquennale FMC-EPP. Le 13 juillet 2006, enfin, un arrêté reprend la proposition du CNFMC d’un barème associant FMC et EPP. Dès lors les instances sont en place, leurs champs et leurs modes d’intervention respectifs sont définis.

    Reste alors à régler la difficile question du financement. Elle l’a été fin 2006, en un trimestre et deux initiatives dont la seconde témoigne d’une spectaculaire évolution doctrinale. La première initiative règle le problème du financement des instances de la FMC qui faute de la personnalité morale requise ne pouvaient jusqu’ici disposer de la dotation prévue pour leur fonctionnement. En octobre 2006 l’Ordre des médecins adopte une convention l’autorisant à héberger les CNFMC et d’assumer, en tant que personnalité morale, la gestion budgétaire du fonctionnement de la FMC. Une convention répercutée au niveau régional près d’un mois plus tard, le 15 novembre 2006, avec la décision d’une réforme des conseils régionaux de l’ordre des médecins (CROM) qui, après leurs élections du 1er février 2007, pourront accueillir les CRFMC.

    La seconde initiative, émanant des CNFMC et des pouvoirs publics a tranché sur la question gênante mais essentielle du financement des actions de formation. Le code de bonnes conduites cosigné en novembre dernier par le ministre de la Santé et le président du LEEM (Les entreprises du médicament) marque un net revirement de la part des pouvoirs publics : désormais l’industrie n’est plus ignorée ou ostracisée par eux mais considérée comme un partenaire à part entière de la FMC, moyennant son respect du code dont elle est signataire. Tout en offrant à la profession un outil l’aidant à mieux maîtriser ce partenariat ce code a pour premier effet d’ouvrir la porte de la FMC obligatoire à ces nombreuses associations locales travaillant avec des fonds de l’industrie. Il est clair que bien d’autres opérateurs bien plus considérables, notamment privés, trouveront là un vaste marché à conquérir. Sans doute, mais la FMC obligatoire ne pouvait se passer de ce tissu associatif qui continue d’être la locomotive de la formation médicale continue.

    Agissant avec pragmatisme, les pouvoirs publics et les CNFMC veulent donner toutes ses chances à ce nouvel âge de la formation médicale continue. La stratégie de cette période inaugurale consiste donc à faire en sorte que l’ensemble de la profession, des opérateurs et des médecins donnent corps à l’obligation de formation.

    Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé

    Art. L. 4133-1. - La formation médicale continue a pour objectif l'entretien et le perfectionnement des connaissances, y compris dans le domaine des droits de la personne ainsi que l'amélioration de la prise en charge des priorités de santé publique. Elle constitue une obligation pour tout médecin tenu pour exercer sa pratique de s'inscrire à l'ordre des médecins.

    Les attributions des conseils

    Décret n° 2003-1077 du 14 novembre 2003 relatif aux conseils nationaux et au comité de coordination de la FMC

    Les conseils définissent pour cinq ans, après avis du comité de coordination, de la formation médicale continue […] les orientations nationales de la formation médicale continue. Ils fixent à ce titre les thèmes prioritaires de formation. Au cours de cette période quinquennale, les conseils nationaux peuvent, après avis du comité de coordination, adapter ou compléter les orientations initialement fixées, en vue de prendre en compte de nouveaux besoins de formation ou pour répondre à des besoins de santé publique.

    Les conseils agréent pour cinq ans, sur leur demande, les organismes de droit public ou privé à caractère lucratif ou non qui organisent des actions de formation médicale continue. L’agrément ne peut être délivré qu’aux organismes dont la déclaration d’activité mentionnée à l’article L. 920-4 du code de travail a été enregistrée auprès du préfet de région. Il est donné sur la base d’un cahier des charges, élaboré par chacun des conseils, précisant les conditions à remplir. Le cahier des charges prend en compte les critères suivants :

    - qualité scientifique et pédagogique des programmes proposés;

    - transparence des financements;

    - engagement relatif à l’absence de toute promotion en faveur d’un produit de santé et à l’utilisation de la dénomination commune des médicaments;

    - respect des orientations nationales définies par le conseil national;

    - acceptation du principe d’une évaluation externe du fonctionnement de l’organise de formation et de la qualité des formations.

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