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  • Une technologie qui doit encore faire ses preuves…

  • L’une des principales limites de la blockchain est sa scalabilité, autrement dit sa capacité de déploiement à grande échelle. Les transactions sur cette gigantesque base de données autonome, puisque sans intermédiaires, nécessitent une validation plus ou moins longue que ne pourra peut-être pas supporter un médecin qui, en règle générale voudra accéder à des informations médicales dans l’instant.
     
    Se pose par ailleurs la question de la collecte des données: comment celles-ci vont être recueillies et, surtout, comment y implémenter les fichiers déjà existants ? La création d’une plateforme exploitée par une intelligence artificielle pourrait être une solution. Au niveau technique ensuite, il semble légitime de s’interroger sur le stockage de ces volumes de données : l’hétérogénéité des systèmes pose la question de leur interopérabilité pour une exploitation au sein d’une blockchain commune. Et ce d’autant que le stockage des informations relatives à la santé, issues de sources multiples, est complexe car les sources proviennent le plus souvent d’une multitude d’acteurs. Or, la recherche médicale est plus que jamais internationale.
     
    Comment se doter d’un système commun à l’international lorsque les réglementations nationales sont si différentes ? Par exemple, aux Etats-Unis, la réglementation autorise le consentement numérique pour les essais cliniques, alors qu’en France le patient doit toujours donner un accord écrit. Comment se doter d’un système commun lorsque les cultures et les réglementations sont disparates? Les réglementations, qui varient d’un état à l’autre, créent un déséquilibre entre les différents pays pour accéder à des technologies de pointe. Le droit n’est aujourd’hui pas adapté au développement de la blockchain en matière de santé. 
     
    Comment concilier blockchain et droits des personnes à disposer de leurs données ? 
    Ensuite, il est légitime de s’interroger sur la valeur juridique du « smart contract » (contrats intelligents) et celles relatives à la propriété des données. En effet, les données collectées pour alimenter les bases peuvent provenir de sources diverses, y compris  d’objets connectés, ce qui n’est pas sans poser question au niveau légal, réglementaire et éthique. L’autonomisation des smart contracts peut également nuire à la réalité de la relation contractuelle. Dans le domaine de la santé, cette dernière doit être empreinte de mesure et d’adaptation, notion peu compatible avec celle d’automatisation.
     
    Enfin, la blockchain est réputée infalsifiable ; il est donc impossible d’effacer des données si l’information est validée et surtout répliquée sur tous les réseaux. Cela complexifie d’autant le droit à l’oubli, d’autant qu’une autre question éthique et juridique se pose : comment concilier les droits des personnes à disposer de leurs données —dont le « droit à l’oubli » consacré par le RGPD (Règlement général sur la protection des données, entré en vigueur le 25 mai 2018)— avec la blockchain où les données sont immuables. Une limite qui pourrait tomber en donnant au patient le pouvoir sur la maîtrise de ses données à l’aide d’une clé privée. Encore faudra-t-il imaginer un système pour les cas  où lepatient serait dans l’incapacité de donner accès à son dossier médical.
     
    En d’autres termes, la blockchain ne pourra fonctionner qu’à la condition que les principaux acteurs du secteur, Etats, corps médicaux et laboratoires pharmaceutiques, s’unissent et agissent en toute transparence… 
    Frédérique Guénot ■
     
     
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