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  • Vivre jusqu'à 500 ? La quête de l’immortalité…

  • Les transhumanistes prônent l’usage des sciences et des techniques afin d’améliorer les caractéristiques physiques et mentales humaines. Ils souhaitent lutter contre le vieillissement pour vivre beaucoup plus longtemps en bonne santé. Pour autant, ils réfutent l’idée d’une vie sans fin, irréaliste et sans intérêt. « Le transhumanisme réel, ce n’est pas l’immortalité absolue », tranche Marc Roux, président de l’Association française transhumaniste (AFT) Technoprog, cette dernière relevant d’un concept relatif à la métaphysique. Le transhumanisme vise à ralentir le vieillissement humain et, pourquoi pas, à terme le stopper complètement, voire le rendre réversible. Les transhumanistes préfèrent parler d’amortalité, ou d’allongement de la durée de vie en bonne santé, ce que la médecine fait depuis des années. L’espérance de vie a d’ailleurs été multipliée par trois depuis le 18e siècle.

    Vers un «transhumanisme techno-progressiste»

    Si « l’histoire de l’humain est celle d’une coévolution de la biologie avec la technique, les technologies nous permettent d’intervenir rapidement dans cette évolution, poursuit Marc Roux. Nous commençons à pouvoir l’orienter […], certaines techniques permettent d’intervenir dans l’embryon humain et pourraient permettre d’avoir des mutations transmissibles de génération en génération ». S’il est souvent reproché au transhumanisme de ne bénéficier qu’à une élite, créant par là des inégalités majeures, Marc Roux avance la notion de transhumanisme techno-progressiste qui se soucie de justice sociale, d’équilibre environnemental et de risques sanitaires. Toute la question est de savoir comment utiliser ces technologies pour améliorer la société dans son ensemble. En ce sens, la lutte contre le vieillissement ne doit pas être l’apanage de laboratoires privés, mais se poser comme un enjeu de recherche et de santé publique. De même, le transhumanisme ne propose pas une uniformisation mais donne la possibilité pour chacun d’orienter à sa guise ses dispositions génétiques.

    Une théorie qui essaime en France

    Déjà bien ancré aux Etats-Unis, le transhumanisme se développe en France où des milliers de personnes estiment que la technologie permettra à l’homme de dépasser ses limites biologiques pour vivre jusqu’à 500 ans. Il s’agit, non pas de viser l’immortalité, mais un gain de quelques siècles de vie, en s’attaquant à la souffrance involontaire, la maladie et la vieillesse. « Pour cela, plusieurs outils sont déjà entre nos mains, explique Laurent Alexandre, auteur de l’ouvrage « La mort de la mort ». Une révolution de la médecine est lancée à travers le développement de la génomique, l’exploitation des cellules souches, le clonage thérapeutique, les implants électroniques, les nanotechnologies. » Celle-ci passe aussi « par la démocratisation du séquençage ADN ». Ce spécialiste du big data dans le domaine de la santé croit en une médecine beaucoup plus personnalisée, en fonction des caractéristiques génétiques de chacun. L’idée consiste à corriger au niveau de l’ADN les inégalités face aux maladies, d’autant qu’il est possible de reprogrammer des gènes et en fabriquer artificiellement grâce à la biologie de synthèse. De nombreuses maladies (cancer, Alzheimer, Parkinson, myopathies…) pourraient ainsi être traitées avant l’apparition des premiers symptômes. A ce jour, de nombreux projets sont en cours pour étudier les possibilités de ralentir le vieillissement. La fondation SENS du gérontologue Aubrey de Grey, les patrons de PayPal, de Google multiplient également les projets de recherche, en vue de transformer l’homme et lui permettre de dépasser ses limites biologiques.

    Frédérique Guénot

     

     

    La modification génétique de l’Homme : une «avancée» dangereuse…

    En novembre dernier, les premiers bébés génétiquement modifiés seraient nés en Chine. Les embryons de ces jumelles auraient été modifiés par Crispr-Cas9 afin de les protéger contre le virus du sida. Cette technique consiste à « couper/coller » facilement et rapidement un code génétique, sur le modèle de la méthode pratiquée par les bactéries pour tuer des virus. C’est la première fois que cette méthode est utilisée sur des humains mais beaucoup de laboratoires travaillent au développement de cette « chirurgie de l’ADN ». Inventée en 2012 par deux chercheuses, la Française Emmanuelle Charpentier et l’Américaine Jennifer Doudna, elle a obtenu de nombreux résultats positifs. En 2014, des chercheurs américains essaient Crispr-Cas9 pour soigner des souris atteintes de tyrosinémie. Cette pathologie du foie est due à une mutation du gène qui dégrade l’acide aminé tyrosine. Le résultat de leur expérience est probant : Crispr-Cas9 remplace le gène déficient par sa forme saine sur 0,5% des cellules du foie. Un mois plus tard, les cellules saines représentent un tiers des cellules et les souris n’avaient plus besoin de traitement. La même année, des chercheurs de l’Université du Texas ont réussi à corriger la mutation génétique responsable de la dégénérescence musculaire chez des souris atteintes de myopathie de Duchenne. Toujours grâce à cette méthode dite des « ciseaux moléculaires », les scientifiques modifient la mutation du gène à l’origine de la maladie directement dans les embryons. Et ils les implantent ensuite dans une mère porteuse. Pour certains bébés l’expérience a fonctionné : la correction a quasiment touché la moitié des cellules… Et leurs muscles étaient devenus normaux. Mais ces avancées suscitent de vives inquiétudes au sein de la communauté scientifique, notamment d’un point de vue éthique. La convention pour la protection des droits de l’Homme et de la dignité de l’être humain en rapport avec les applications de la biologie et de la médecine a été signée en 1997 à Oviedo, en Espagne. Celle-ci interdit toute modification du patrimoine génétique de l’espèce humaine car elle pourrait avoir des conséquences sur les cellules des générations futures. Des chercheurs américains avaient également mis en garde la communauté scientifique sur l’utilisation de la méthode Crispr-Cas9. Dans leur texte, publié dans les revues Science et Nature, ils alertaient sur le fait que ces expériences ouvraient un débat sur la manipulation génétique de l’embryon humain pour améliorer l’espèce, incompatible avec l’éthique scientifique. Mais cela n’a pas empêché la récente naissance des jumelles génétiquement modifiées...

    Diane Cacciarella

     

     

    La cryonie permettra-t-elle un jour de revivre ?

    Congeler tout ou une partie d’un corps mort pour essayer de le ramener plus tard à la vie est possible. Cette technique s’appelle la cryonie ou cryogénisation. La première personne à avoir sauté le pas est le Dr James Bedford, en 1967. La méthode ne relève pas d’une simple congélation. Il s’agit de vitrifier le corps. Après le décès, la dépouille est refroidie à une température négative mais proche de zéro. On lui administre des liquides spécifiques —qui remplacent l’eau et le sang— afin d’éviter la formation de cristaux dans le corps et la dégradation des cellules. Une fois prêt, le corps est conservé à -196 degrés Celsius. Le but est qu’à l’avenir une avancée technologique permette de ramener à la vie la personne cryogénisée. Mais la communauté scientifique n’est pas unanime sur la possibilité de réaliser un jour une telle prou­esse. La technique a fait ses preuves sur certaines cellules, comme pour la conservation de sperme ou d’ovocytes, mais elle ne va pas pour l’instant pas au-delà. On ne parle d’ailleurs pas de cryogénisation mais de technique de cryogénie pour des cellules. En l’état actuel des recherches, rien ne permet d’assurer que les personnes cryogénisées reviendront un jour à la vie. Mais quelques expériences ont été réussies. En 2004, des chercheurs américains ont cryogénisé un rein de lapin pour le regreffer quelques temps plus tard sur ce même animal. Six ans plus tard, ils ont réalisé la même expérience avec deux lapins différents : un donneur et un receveur. En 2012, des scientifiques tchèques ont partiellement congelé des larves de drosophiles tropicales qu’ils ont ensuite fait revenir à la vie. En parallèle de cette technique, des organisations proposent de cryogéniser —pour un prix moindre— une partie unique du corps: la tête. Cette méthode est appelée « neuro-suspension ». Dans ce cas, le retour à la vie est encore plus hypothétique car il suppose que l’essentiel de la personne est dans le cerveau. Et, qu’elle pourrait donc être réanimée sur un autre corps…

    Diane Cacciarella

     

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