Sécrété naturellement à l’intérieur du conduit auditif, le cérumen sert à lubrifier l’oreille et s’évacue spontanément. Parmi les responsables de la formation de bouchons, le coton-tige, à proscrire absolument, indique le Dr Amine Harichane, chirurgien ORL pédiatrique à Paris.

TLM : Comment se forment les bouchons de cérumen ?

Dr Amine Harichane : Le cérumen est une sécrétion produite par certaines cellules du conduit auditif qui permet de le lubrifier et d’éliminer, en s’évacuant, les cellules mortes, les impuretés. Il est produit en particulier par des glandes cerumineuses du conduit auditif de l’oreille. Des bouchons de cérumen peuvent se former dans diverses situations. D’abord, certaines anatomies de l’oreille se prêtent plus facilement aux bouchons, en particulier les conduits auditifs externes longs et sinueux.

TLM : Toutes les tranches d’âge sont-elles concernées ?

Dr Amine Harichane : Ces bouchons de cérumen peuvent concerner toutes les tranches d’âge. Il existe plusieurs facteurs déclenchants.

Le plus connu et répandu vient des manœuvres intempestives du coton-tige dans l’oreille. Normalement, le cérumen, sécrété dans le conduit auditif externe, part lentement vers l’extérieur de l’oreille. Les personnes utilisant les cotons-tiges repoussent le cérumen au fond de celle-ci. Le cérumen s’accumule et forme ainsi un bouchon. Les enfants sont souvent affectés par les bouchons de cérumen, car ils mettent souvent leurs doigts dans les oreilles et repoussent aussi le cérumen vers les tympans. Celui-ci a alors tendance à se tasser. Les personnes âgées peuvent elles aussi être plus souvent touchées, car la peau du conduit auditif s’atrophie et cela ne facilite pas l’expulsion du cérumen. Les appareils auditifs ont en outre tendance à favoriser les bouchons de cérumen. Tout comme les divers écouteurs placés à l’intérieur de l’oreille par les jeunes pour écouter de la musique.

TLM : La production de cérumen varie-t-elle d’un individu à l’autre et en fonction de l’âge ?

Dr Amine Harichane : Plusieurs facteurs peuvent faire varier cette production en qualité et en quantité. En premier lieu, l’âge. Les enfants ont tendance à produire davantage de cérumen que les personnes âgées. Ensuite, d’autres variations existent entre individus. Certaines personnes sécrètent un cérumen plus épais ; d’autres en plus grande quantité.

TLM : Quels sont les symptômes qui doivent faire évoquer un bouchon de cérumen ?

Dr Amine Harichane : Le premier signe, c’est l’altération auditive, la sensation d’avoir l’oreille bouchée. Ce qui peut survenir progressivement ou brutalement.

Cette baisse auditive peut apparaître après une baignade : le bouchon s’hydrate, se gonfle d’eau, grossit et augmente la sensation de diminution de l’ouïe. L’atteinte est le plus souvent unilatérale, mais chez les personnes âgées le bouchon de cérumen peut être mis sur le compte de la presbyacousie, le médecin n’est pas consulté, et les deux oreilles finissent finalement par être atteintes. La perturbation de l’audition est le signe le plus fréquent, mais l’accumulation du cérumen peut devenir irritante, avec un risque alors d’infection du conduit auditif externe. A priori, un bouchon de cérumen n’est pas douloureux, du moins en l’absence de complications. Chez l’enfant, la sensation d’oreille bouchée doit être systématiquement examinée. Car il pourra s’agir non pas d’un bouchon de cérumen, mais d’un corps étranger dans l’oreille qui sera repéré à l’examen par otoscope. Il peut également s’agir d’un cholestéatome, c’est-à-dire d’une accumulation de peau, qui se présente comme un kyste ou comme une poche remplie de squames de peau, qui va progressivement grossir entraînant une infection chronique de l’oreille moyenne et au pire une destruction des structures osseuses environnantes. Cela se traduit plutôt par un écoulement d’oreille, une otorrhée très blanche.

TLM : Que faire face à une suspicion de bouchon de cérumen ?

Dr Amine Harichane : Lorsqu’il s’agit d’un enfant en particulier, il faut consulter un ORL pour éliminer un autre diagnostic. C’est incroyable, d’ailleurs, ce que les parents essayent de faire pour retirer eux-mêmes le bouchon de cérumen ! On retrouve parfois de l’huile d’olive dans les oreilles des enfants ou d’autres produits encore. Ils tentent de temps en temps d’utiliser un cure-dent pour enlever le bouchon, avec des risques pour le conduit auditif et le tympan… L’examen au microscope chez l’ORL permet de vérifier l’absence de corps étranger, de voir le bouchon de cérumen et de poser le diagnostic. L’examen permet de vérifier l’état du tympan et celui du conduit auditif. On trouve depuis peu des otoscopes vendus sur Amazon que certaines personnes utilisent pour retirer elles-mêmes les bouchons de cérumen, mais cela n’est pas conseillé.

TLM : Concrètement, comment extraire ce bouchon ?

Dr Amine Harichane : Une fois l’intégrité du tympan et du conduit auditif vérifiée à l’otoscope, nous disposons de systèmes de lavage-aspiration qui permettent d’envoyer un jet d’eau dans l’oreille puis d’aspirer le contenu en eau de l’oreille avec lequel le bouchon va s’évacuer. Ce principe est utilisé tant chez l’enfant que chez l’adulte. Il est parfois possible aussi d’extraire le bouchon avec des pinces. Lorsque les bouchons sont volumineux, secs, on recommande au patient, avant de venir pour l’extraction, d’utiliser des produits capables de ramollir et de fluidifier le bouchon, pour faciliter son expulsion.

TLM : Comment peut-on prévenir les bouchons de cérumen ?

Dr Amine Harichane : D’abord, il faut absolument éviter l’utilisation des cotons-tiges qui contribuent plus à fabriquer les bouchons en tassant le cérumen qu’à les éliminer, avec en plus un risque de léser le tympan. Les cotons-tiges pourraient d’ailleurs être retirés du marché prochainement. Ils peuvent servir éventuellement à nettoyer le pavillon de l’oreille. Celle-ci se nettoie normalement toute seule. Il n’est pas nécessaire de prévenir la formation de bouchon. Chez les personnes à risque (par exemple ayant des appareils auditifs) il est important d’avoir une hygiène régulière de l’oreille et de les faire contrôler au moins une fois l’an chez le médecin.

TLM : Les médecins généralistes pratiquent-ils des extractions de bouchons de cérumen ?

Dr Amine Harichane : Bien sûr, ils sont équipés d’otoscope pour faire le diagnostic. Et s’ils disposent du matériel nécessaire à l’élimination des bouchons de cérumen, ils peuvent réaliser cet acte.

Propos recueillis

par le Dr Martine Raynal ■