• Dr Violaine Foltz : Fondamentaux de prise en charge de la lombalgie

Violaine Foltz

Discipline : Rhumato, Orthopédie, Rééduc

Date : 18/04/2023


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Écoute, rassurance et (re)mise en mouvement sont des essentiels de la prise en charge des patients atteints de lombalgie commune.

Les traitements médicamenteux permettent de franchir des caps douloureux. Explications du Dr Violaine Foltz, médecin rhumatologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris.

 

TLM : Au XXe siècle on qualifiait le mal de dos de mal du siècle, est-ce toujours le cas au XXI e siècle ?

Dr Violaine Foltz : On estime que 70 % de la population souffriront d’un épisode de lombalgie au cours de leur vie.

Cette douleur, située entre la charnière thoraco-lombaire et le pli fessier inférieur, est qualifiée de « poussée aiguë de lombalgie » lorsqu’elle dure entre quatre et six semaines, et de chronique lorsqu’elle persiste plus de trois mois.

Les patients à risque de rechute dans l’année qui suit un premier épisode sont également considérés comme des patients à risque de chronicité —ce qui représente pas moins de la moitié des personnes victimes d’une poussée aiguë de lombalgie. Au total, environ 7 % des Français ont régulièrement mal au dos.

On peut donc effectivement dire que le mal de dos représente toujours un problème de santé publique majeur.

 

TLM : Quels sont les facteurs de chronicité de la lombalgie ?

Dr Violaine Foltz : Si l’on considère uniquement la lombalgie commune, autrement dit la douleur lombaire qui ne comporte aucun « drapeau rouge », le premier facteur de risque de chronicité est la peur, qu’elle émane du patient ou du médecin. Une étude menée à l’hôpital Cochin à Paris a en effet montré qu’un médecin qui n’était pas rassuré transmettait sa peur au patient et que cela constituait un facteur de risque de chronicité de sa lombalgie. Rassurer le patient est, par conséquent, impératif, cela représente la moitié du traitement.

Devant une douleur lombaire persistante, le médecin doit rechercher les autres « drapeaux jaunes », autrement dit les facteurs comportementaux et psychosociaux susceptibles de favoriser la persistance de la douleur et/ou de l’incapacité : stress, émotions négatives, croyances inappropriées vis-à-vis des positions ou des activités supposées bénéfiques (comme l’idée que nager fait du bien au dos) ou, au contraire, vis-à-vis des gestes que l’on s’interdit les croyant responsables de sa lombalgie (comme le port de charges lourdes ou la course à pied). Le médecin doit battre en brèche ces idées reçues afin d’aider son patient à dédramatiser sa douleur pour y faire face. Enfin, la perception du travail et de son environnement professionnel doit également être discutée. Une personne qui n’est pas satisfaite de ses conditions de travail ou qui exerce dans des conditions difficiles est exposée à un risque élevé de récidive et donc de passage à la chronicité. Il en est de même pour les patients isolés, qui n’ont pas un entourage familial ou amical proche.

 

TLM : Quelle est la place de l’imagerie dans le diagnostic d’une lombalgie ?

Dr Violaine Foltz : En l’absence de drapeau rouge, il n’y a pas d’indication à réaliser une imagerie rachidienne dans le cas d’une poussée aiguë de lombalgie. Il faut, dans ce cas, expliquer au patient les raisons de cette décision. Une lombalgie chronique peut justifier la réalisation d’une IRM (ou d’un scanner en cas de contre-indication à l’IRM). Mais, attention : il faut pouvoir accompagner la lecture du compte-rendu donné par le radiologue et expliquer au patient l’absence de corrélation systématique entre les symptômes et les signes radiologiques. Et dédramatiser les termes médicaux techniques qui peuvent générer de la peur et/ou renforcer une croyance inappropriée.

 

TLM : Sur quoi repose la prise en charge du patient lombalgique ?

Dr Violaine Foltz : Comme je viens de l’expliquer, elle repose en grande partie sur l’écoute du patient à la recherche de facteurs bio-psycho-sociaux. Le rôle du médecin généraliste est alors de l’orienter vers les professionnels les plus à même de corriger ses facteurs de risque de passage à la chronicité : médecin du travail, travailleurs sociaux, psychologue... Pour soulager les patients, on peut leur proposer, en première approche, l’application de chaleur, la réalisation d’étirements et/ou d’automassages pour décontracter leurs muscles ; toutes les techniques de relaxation qui apprennent à mieux gérer la douleur —comme la sophrologie, la méditation, le yoga—, peuvent également être utiles ; mais, surtout, il faut encourager le maintien ou la reprise d’une activité physique. Remettre en mouvement a non seulement des vertus sur le plan physique en remusclant le dos, mais cela préserve le lien social dont on sait qu’il contribue au mieux-être psychique. Dans ce cadre-là, la prescription d’une activité physique adaptée (APA) est doublement intéressante. Enfin, on recommande la kinésithérapie en cabinet libéral ou au sein d’un centre spécialisé dans la prise en charge des lombalgies. Les avantages de cette dernière option c’est que le patient bénéficie d’une prise en charge pluridisciplinaire pouvant impliquer un rhumatologue, un spécialiste de médecine physique et de réadaptation, un médecin du travail, et, si indiqué, un spécialiste de la douleur ou un chirurgien du rachis ; malheureusement, on constate que les bénéfices de la rééducation disparaissent rapidement après la fin des séances lorsque le patient se retrouve seul chezlui... Il est donc très important de lui faire comprendre que ces stages de rééducation n’ont d’intérêt que s’il s’implique et participe activement, et surtout s’il poursuit à domicile les exercices enseignés au centre.

 

TLM : Quelle place pour les traitements médicamenteux ?

Dr Violaine Foltz : La prise en charge antalgique graduée, débutant par des antalgiques de palier I (paracétamol ou anti-inflammatoires non stéroïdiens), peut être mise en place pour permettre de franchir des caps douloureux. Si la douleur n’est pas soulagée malgré un traitement bien suivi, des opioïdes faibles peuvent être proposés, seuls ou associés au paracétamol. Mais leur prescription doit être limitée dans le temps. Quant aux infiltrations, elles n’ont d’intérêt que si elles offrent un répit de plusieurs semaines ; dans le cas contraire, inutile d’insister.

Propos recueillis

par Jeanne Labrune

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