Pr Jean-Paul Stahl : Prévention du zona : Un nouveau vaccin plus efficace
Discipline : Infectiologie
Date : 08/10/2024
Maladie plus fréquente qu’il ne paraît, le zona peut provoquer des douleurs et des séquelles relativement importantes. Un nouveau vaccin, plus efficace et bien toléré, devrait convaincre médecins et patients.
Le point avec le Pr Jean-Paul Stahl, chef du service des Maladies infectieuses au CHU de Grenoble.
TLM : Le zona est-il fréquent ?
Pr Jean-Paul Stahl : C’est une maladie relativement fréquente. On estime que, dans une vie, 10 à 30 % des gens vont développer un zona. Donc environ un tiers de la population. 60 % des cas surviennent après 45 ans. L’incidence et la gravité augmentent avec l’âge. On compte ainsi près de 10 cas pour 1 000 personnes chez les plus de 80 ans. L’immunodépression et l’âge représentent les deux grands facteurs de risques. Et ce sont aussi les deux indications de la vaccination.
TLM : Comment survient cette maladie ?
Pr Jean-Paul Stahl : Il faut, au préalable, avoir fait une varicelle. Le virus varicelle-zona (c’est le même) reste hébergé dans l’organisme à vie, dans les ganglions à la racine des nerfs. Il peut se réactiver à l’occasion d’une immunodépression (liée au VIH, un cancer ou une maladie infectieuse) ou d’une immunosénescence, autrement dit la perte d’efficacité du système immunitaire, provoquée par le vieillissement de l’individu. Cette réactivation peut aussi survenir lors d’une baisse momentanée des défenses immunitaires, lors d’une grande fatigue ou d’un stress important par exemple.
TLM : Comment se manifeste le zona ?
Pr Jean-Paul Stahl : Le virus se multiplie au niveau d’un ganglion nerveux et longe un nerf pour provoquer une éruption douloureuse cutanée sur le trajet nerveux. Cela peut survenir n’importe où dans l’organisme, mais le plus souvent sur le thorax. L’éruption ressemble à celle de la varicelle sauf qu’elle est très localisée. La douleur est aiguë pendant l’éruption, à type de brûlure. Peuvent subsister des douleurs séquellaires très invalidantes susceptibles de durer plusieurs mois : à tel point que le port d’une chemise ou d’un tee-shirt devient insupportable. Un souffle d’air peut même déclencher des douleurs post-zostériennes. Trois mois après l’éruption, 12 % des patients en présentent. Et 6 % après un an. Il s’agit de la complication la plus fréquente. Autre complication possible : une éruption généralisée sur tout le corps chez les grands immunodéprimés. Mais aussi des atteintes neurologiques comme les encéphalites : d’ailleurs le zona est la seconde cause d’encéphalites en France.
TLM : Quelle prévalence pour le zona oculaire ?
Pr Jean-Paul Stahl : Oui et il peut entraîner de nombreuses complications avec des répercussions comme des troubles de la vision qui peuvent aboutir à la cécité d’un œil, notamment si le zona s’infecte. Une étude, parue dans Ophtalmololgy (2013) fait référence dans ce domaine : sur 220 000 patients étudiés, on retrouvait 130 cas de zonas ophtalmiques et 31 % de ces patients souffraient de douleurs post-zostériennes au niveau oculaire : la complication majeure pour cette localisation.
TLM : Quels sont les traitements ?
Pr Jean-Paul Stahl : Il existe un traitement antiviral, le même que pour la varicelle et l’herpès grave : l’acyclovir intraveineux en cas de gravité, ou le valacyclovir oral. Ce traitement antiviral est surtout utile pour éviter l’extension de la maladie. Il faut l’administrer immédiatement. S’il est administré plus de 48 heures après le début des symptômes, son efficacité reste limitée. On ne le prescrit pas pour les cas modérés. Sans traitement, l’éruption va se résorber en deux à trois semaines. Il faut recourir aux soins locaux pour éviter l’infection : se laver régulièrement, sans utiliser de gant de toilettes, à l’eau et au savon, en rinçant abondamment, en laissant sécher les lésions à l’air libre ou en tamponnant doucement avec une serviette douce. On peut parfois utiliser un antiseptique non agressif sur les lésions de la peau. Bien sûr, il faut prendre en charge la douleur par des antalgiques. Quand elle est particulièrement importante, elle peut nécessiter la prescription de dérivés morphiniques.
TLM : Quel est l’impact du zona sur la qualité de vie ?
Pr Jean-Paul Stahl : Un impact extrêmement important : quand on souffre en permanence et qu’on ne peut pas porter de vêtements, cela entraîne des conséquences majeures : le patient est privé de sa vie sociale, de sa vie professionnelle. Bien évidemment cela retentit sur l’humeur jusqu’à provoquer parfois des dépressions. Il faut aussi supporter plusieurs mois de douleurs, ce qui est une véritable épreuve.
L’impact est encore plus important chez les personnes âgées : l’apparition d’un zona, chez elles, constitue un des facteurs de risque de perte d’autonomie jusqu’à la grabatisation et la dégradation de l’état de santé globale.
TLM : Quels sont les moyens de prévention ?
Pr Jean-Paul Stahl : C’est la vaccination et rien d’autre. Elle existe depuis 2013, avec un vaccin qui présentait une efficacité insatisfaisante chez les personnes âgées, et qui n’était pas indiqué pour les personnes immunodéprimées.
C’est pour cela en partie que la couverture vaccinale était médiocre. Mais un nouveau vaccin, Shingrix, produit avec une technologie différente, vient d’arriver sur le marché.
TLM : Quelle est l’efficacité de ce nouveau vaccin ?
Pr Jean-Paul Stahl : Dans les essais cliniques, il montre une efficacité considérablement supérieure au vaccin précédent : 75 à 80 % d’immunisation chez les personnes âgées de 75 ans et plus contre 45,9 % pour le vaccin précédent. C’est très performant ! Il s’est également avéré plus efficace dans la réduction des douleurs post-zostériennes (87 %) que l’ancien vaccin (66 %). Il a démontré aussi son efficacité chez les patients immunodéprimés.
TLM : Quelles sont les modalités d’administration de ce vaccin ? Présente-t-il des effets secondaires ?
Pr Jean-Paul Stahl : Il nécessite deux doses espacées de deux mois. Si la personne a déjà reçu le vaccin Zostavax ou si elle a eu un zona, un délai d’un an est nécessaire avant de commencer la vaccination par les deux doses de Shingrix. Il ne présente pas d’effets secondaires particuliers : éventuellement un peu de fièvre, une rougeur, une douleur pendant 24 heures au point d’injection, comme pour les autres vaccins.
TLM : Que recommandent les autorités de santé ?
Pr Jean-Paul Stahl : La HAS recommande la vaccination des personnes immunodéprimées de 18 ans et plus et de tous les adultes de 65 ans et plus avec le nouveau vaccin. C’est une recommandation logique qui suit les données épidémiologiques. Jusqu’à présent environ 20 % de la population cible se faisait vacciner. Aujourd’hui, avec ce nouveau vaccin, il faudrait inciter toutes les personnes concernées à le faire. On est à risque à partir de 65 ans et la balance bénéfice-risque de ce vaccin est évidente. Une campagne de communication et de sensibilisation à cette vaccination serait fort utile.
TLM : Quel est le rôle du médecin généraliste dans cette vaccination ?
Pr Jean-Paul Stahl : Ce sont les médecins généralistes et les médecins coordinateurs dans les EHPAD qui sont les principaux acteurs de cette vaccination. Sans oublier les pharmaciens qui peuvent vacciner. Ces professionnels de santé doivent avertir les plus de 65 ans des risques encourus : un tiers de la population va développer un zona, avec des douleurs et des complications importantes. Tout cela peut être évité par un vaccin bien toléré.
Propos recueillis
par Brigitte Fanny Cohen ■