• Pr Patrick Carpentier : Les effets du traitement thermal sur les maladies vasculaires

Patrick Carpentier

Discipline : Angéiologie

Date : 18/04/2023


  • 332_photoParole_131PE_Carpentier.jpg

Le 57e Congrès du Collège français de pathologie vasculaire (CFPV) s’est déroulé à Paris du 15 au 17 mars 2023.

Certains thèmes rarement abordés dans le cadre de ces rencontre ont figuré au programme du Congrès : « Œil et médecine vasculaire » ou « Thermalisme vasculaire ». Ce dernier sujet a fait l’objet d’une matinée, sous la direction du Pr Patrick Carpentier, professeur de Médecine vasculaire à Grenoble et directeur du Centre de recherche universitaire de La Léchère.

 

Chaque année, le congrès du CFPV réunit toutes les spécialités intéressées de près ou de loin par la pathologie vasculaire : médecins vasculaires bien entendu mais également internistes, dermatologues, chirurgiens vasculaires, biologistes, radiologues… De nombreuses thématiques sont abordées, de l’ulcère à la maladie thromboembolique, du lymphœdème aux pathologies cardiovasculaires, en passant par la grossesse, le diabète, l’impact du cancer sur le risque thrombotique… Cette année, le Collège a sollicité le Pr Patrick Carpentier, ancien président des Sociétés française et européenne de Médecine vasculaire et de la Société française de Médecine thermale, pour organiser une session inédite sur le thermalisme.

Des validations scientifiques de plus en plus robustes. Le thermalisme vasculaire concerne près de 100 000 patients par an. « Les médecins connaissent peu ou pas le thermalisme », regrette le Pr Carpentier. En cause, le très faible nombre d’heures dédié à la crénothérapie au cours des études de médecine. L’objectif de la table ronde était donc de faire le point sur les indications du thermalisme en médecine vasculaire et les études en cours pour valider cette pratique. Longtemps le thermalisme a vécu sur sa renommée et sur les bénéfices ressentis par les patients. Depuis deux décennies l’Association française pour la recherche thermale (AFRETh) « a lancé une approche scientifique de l’évaluation du traitement thermal avec des résultats tout à fait encourageants », note Patrick Carpentier. Ainsi les études SPECTh et Stop-TAG sur le servage en psychotropes et la prise en charge du trouble anxieux généralisé, l’étude PACThe sur le post-cancer du sein, les études Thermarthrose et RothaTherm pour l’arthrose du genou et les douleurs chroniques de l’épaule, l’étude Maathermes sur l’obésité ou encore l’étude Thermes&Veines en phlébologie —pour ne citer que les plus connues.

Ces études réalisées selon des protocoles scientifiques rigoureux ont montré un effet réel et durable de la cure. « La méthodologie est toujours critiquable car il est impossible de recourir au double aveugle (sauf pour des études spécifiques cherchant à comparer les effets d’une eau thermale versus une autre eau thermale ou l’eau du robinet) ; toutefois nous essayons d’être les plus objectifs possible, avec notamment randomisation et insu des évaluateurs », plaide le Pr Carpentier.

La composition de l’eau, mais pas seulement… La médecine thermale a pour particularité d’être un traitement multifactoriel (eau, soins thermaux, éducation thérapeutique, balnéo-rééducation, modification des comportements de santé…). Dans certaines pathologies, la composition de l’eau joue un rôle essentiel ; dans d’autres, la manière d’utiliser cette eau va concourir à l’efficacité du traitement. En phlébologie, l’effet mécanique (compression du membre immergé dans l’eau) est plus important que l’effet chimique (composition de l’eau). De très intéressants travaux ont ainsi été présentés par le Pr Alberto Caggiati sur les bénéfices de la marche dans l’eau ou simplement de l’immersion des jambes dans une piscine. C’est surprenamment efficace constate le Pr Caggiati, qui observe non seulement une réduction de calibre des veines, une amélioration importante de l’hémodynamique, mais aussi une modification de l’échogénicité des tissus. Ce qui pourrait signifier une moindre infiltration et une moindre inflammation de ces zones. En artériologie, quatre stations françaises traitent l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) et les syndromes de Raynaud sévères grâce à des eaux carbo-gazeuses (riches en CO2). La composition de l’eau est ici importante : le CO2 augmente la perfusion capillaire, avec un impact direct sur l’oxygénation tissulaire mesurable chez les patients.

Améliorer les soins thermaux, un autre effet de la recherche. Dans le domaine vasculaire, le Pr Carpentier a piloté plusieurs travaux. Tout d’abord une première étude randomisée à la Léchère. « Sur tous nos critères nous avions une efficacité, avec un effet taille relativement importants. » Fort de ces résultats, une nouvelle étude, multicentrique, randomisée a été lancée. La cure thermale a permis d’améliorer de manière significative la sévérité de la maladie veineuse (diminution du score de Rutherford de -1.2 contre - 0.6). Elle améliore également la douleur et la qualité de vie des patients. Ces travaux —ainsi que ceux qui ont suivi, comme l’étude Veinothermes, publiée en 2022 — ont non seulement un intérêt pour la validation de la cure, relève le Pr Patrick Carpentier, mais « ils nous permettent aussi de mieux comprendre les mécanismes en jeu et donc de mieux combiner entre eux les soins thermaux ».

Qui envoyer en cure ? Les personnes ayant un traitement adapté n’ont pas forcément besoin d’un séjour thermal. En revanche le bénéfice est majeur pour celles dont on ne parvient pas à contrôler la maladie avec la prise en charge habituelle. Le traitement thermal est également opportun pour les patients ayant du mal à intégrer dans leur vie le traitement compressif. « Moi qui ai longtemps été très sceptique vis-à-vis du thermalisme, je suis heureux de disposer de cette option. Certains patients deviennent très fatalistes vis-à-vis de leur maladie. Les soins thermaux leur montrent qu’ils peuvent agir eux-mêmes pour contrôler leur maladie. Ils reviennent transformés de leur cure et, à partir de là, on peut établir avec eux un programme constructif. » La moitié des Français sont touchés par des varices, plus de trois millions présentent des troubles trophiques et l’on compte chaque année environ 400 000 ulcères qui mettent en moyenne six mois à cicatriser et récidivent une fois sur deux dans les trois ans. C’est dire l’importance de disposer de solutions pour les patients en échec thérapeutique. Autre indication importante, les lymphœdèmes…

Ces pathologies, le plus souvent consécutives aux traitements des cancers, notamment du sein, sont très invalidantes et difficiles à prendre en charge en ville. Quelques stations proposent des cures dont les résultats semblent extrêmement intéressants. Une étude est en cours pour valider cette indication.

Propos recueillis

par Cendrine Barruyer-Latimier

  • Scoop.it